Le gouvernement a relancé, mardi 3 novembre, l'expérimentation du CV anonyme pour lutter contre la discrimination à l'embauche. Durant six mois, 50 entreprises dans sept départements vont expérimenter ce mode de recrutement prévu par la loi depuis le 2 avril 2006, mais dont le décret d'application n'a jamais vu le jour.
Cette opération devait être lancée mardi en fin d'après-midi lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale en présence du Commissaire à la Diversité et à l'Egalité des Chances Yazid Sabeg, du ministre du Travail Xavier Darcos, de celui de l'Immigration Eric Besson, et du secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi Laurent Wauquiez.
"Cinquante entreprises dans sept départements", vont participer à cette expérimentation, expliquait-on mardi dans l'entourage de M. Sabeg. C'est Pôle emploi (fusion des antennes Assedic et de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE) qui sera l'opérateur de cette expérimentation.
On précisait dans l'entourage de M. Sabeg que le travail de Pôle emploi ne se limitera pas à proposer des CV anonymes, mais suivra également leur devenir. "Vous pouvez avoir un CV anonyme et un recrutement discriminatoire", expliquait-on ainsi.
Reste que le CV anonyme fait aujourd'hui office de véritable serpent de mer, et son expérimentation de "déjà vu". Défendu par Jacques Chirac, alors président de la République, en décembre 2005, déjà expérimenté par plusieurs ANPE -notamment à Lyon et dans le Nord de la France- le CV anonyme a été introduit par amendement dans la loi sur l'Egalité des Chances adoptée le 2 avril 2006.
Mais si le principe était posé, le décret précisant les modalités d'application du dispositif n'est jamais paru. Fin 2006, le gouvernement justifiait cette absence de parution par la nécessité de respecter le dialogue entre les partenaires sociaux.
"A la demande du président de la République, les partenaires sociaux ont négocié sur la diversité dans l'entreprise et sont sur le point de signer un accord", déclarait ainsi le 18 octobre 2006, le porte-parole du gouvernement de l'époque, Jean-François Copé. Le projet d'accord "préconise dans un premier temps d'expérimenter le CV anonyme dans certaines branches professionnelles", précisait-il.
Quant au décret d'application, M. Copé expliquait alors qu'il serait publié "s'il apparaît nécessaire qu'il y ait une mesure réglementaire qui soit prise afin de permettre l'application légale de l'accord entre les partenaires sociaux". "L'idée, c'est que cela passe par la voie de la négociation et de l'expérimentation", soulignait-il.
"Il y a plusieurs années que j'ai fait adopter un amendement au Sénat, et donc à l'Assemblée nationale, sur ce CV anonyme. Et curieusement, il n'a pas été mis en oeuvre, c'est donc qu'il y a un problème", a noté mardi Nicolas About, président du groupe Union centriste au Sénat, à l'origine de l'amendement à la loi d'avril 2006.
"Le CV anonyme", a-t-il précisé, "c'était le fait d'essayer de gommer, au moins pour permettre le premier contact, les origines, la couleur, le sexe, le handicap". Et pour lui, "il faut se pencher là-dessus, parce que nous avons devant nous de grands défis".
"Ce qui paraît une belle initiative est surtout un alibi à l'inaction du gouvernement en matière de lutte contre les discriminations. Cela fait plus de trois ans que le décret instaurant le CV anonyme dans les entreprises de plus de 50 salariés prévu par la loi sur l'égalité des chances devrait être publié", a dénoncé le groupe Socialiste Radical et Citoyen (SRC), mardi dans un communiqué.
"De plus, cette annonce se fait alors que des députés UMP ont déposé un amendement dans le projet de loi de finances pour 2010 visant à réduire de 20% les crédits de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) qui lutte quotidiennement contre les discriminations et pour l'égalité", ajoute le groupe.
"Le gouvernement s'apprête à lancer l'énième expérimentation du CV anonyme semblant répondre à la maxime 'communiquer plus pour agir moins'", ironise de son côté SOS Racisme dans un communiqué diffusé mardi.
"Un peu plus de trois ans après le vote d'une loi prévoyant sa généralisation le gouvernement, qui n'a pas pris les décrets d'application, orchestre une mise en scène qui ne laissera personne dupe", ajoute l'association. Elle "demande donc immédiatement au gouvernement de signer le décret d'application du CV anonyme". AP
Source : Challenges.fr