vendredi 5 juillet 2024 04:30

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Asile et immigration: la Belgique se transforme-t-elle en forteresse?

La secrétaire d’Etat à l’immigration se targue de maîtriser les flux migratoires. Sur les 8 premiers mois de cette année, 8400 demandes d’asile ont été rejetées pour 2000 acceptées. Moins de 20%. Une proportion assez comparable à celle des deux années passées. Mais le nombre des demandes est, lui, en forte baisse. La Belgique se ferme-t-elle aux demandeurs d'asile?

Comme l’illustre un article du Monde diplomatique, l’effet de la guerre sur l’immigration est patent. Au Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), Jessica Blommaert tire le même constat pour la Belgique. «Si on regarde les chiffres du mois de septembre, l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie se retrouvent dans le top 5 des demandeurs d’asile qui arrivent en Belgique. Toutefois, cela comptabilise à peine environ 300 personnes pour un mois.» Cela serait notamment dû au fait que les personnes qui tentent de fuir les conflits font face à de nombreux obstacles pour atteindre le territoire européen. L’exemple de la Syrie est parlant: il y a plus de deux millions de réfugiés dans les pays limitrophes et plus de 4,5 millions de déplacés internes. En Belgique, il y a eu 793 demandes d’asile syriens en 2012 et actuellement 642 pour 2013 (de janvier à fin septembre).

Demande et octroi du statut de réfugié: en baisse depuis 2012

En Belgique, c’est le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) qui a pour mission d’accorder une protection aux étrangers. Et de tenir la comptabilité de toutes les demandes introduites. Cette protection est apportée à ceux qui, en cas de retour dans leur pays d’origine, risqueraient de subir une persécution. Dans cette mission, le CGRA peut accorder le statut de réfugié, ou une "protection subsidiaire".

Pour l’année 2012, sur les 19 731 décisions prises par le CGRA, 15% ont été des avis positifs et 7% des octrois de protection subsidiaire. Si l’on compare les statistiques depuis l'an 2000, on constate que le plus grand nombre de demandes remonte précisément à 2000 avec plus de 42 600 dossiers. S’en est suivie une tendance descendante jusqu’en 2007 avec un minimum de 11 100 dossiers, puis une nouvelle remontée constante qui a culminé en 2011 avec près de 25 500 dossiers introduits. Avec ses 21 463 demandes, 2012 a donc marqué une inversion de tendance.

Cette politique d’asile stricte aurait déjà un effet sur les demandes d’asile dans notre pays. Depuis le pic de 2011 (voir infra), les demandes d’asile introduites en Belgique ont fortement diminué.

Sur les 8 premiers mois de cette année, 8400 demandes d’asile ont été rejetées contre 2000 acceptées. Par extrapolation sur les 12 mois de 2013, les chiffres devraient donc avoisiner 12 600 demandes pour 3000 octrois du statut de réfugié.

Demande d’asile: d’abord les Afghans, ensuite les Guinéens

En 2012, la plus forte demande émanait d’Afghans et de Guinéens, suivis par les Russes, les Congolais (RDC) et les Kosovars. Dès la fin 2012, les demandes de syriens devenaient cependant importantes. Aux cours des quatre dernières années, les plus fortes croissances proviennent d’Afghans, d’Albanais, de Congolais (RDC) et de Syriens.

Pour la même année, les trois nationalités ayant obtenus le plus de reconnaissances du statut de réfugiés sont les Afghans (21% des demandeurs de ce pays), les Guinéens (16,8% des demandeurs) et le Chinois (90% des demandeurs). Le plus grand nombre d’octroi de statut de protection subsidiaires est allé aux Afghans, aux Syriens et aux Somaliens.

Loi belge plus restrictive…

La loi des étrangers du 15 décembre 1980 a connu de nombreuses modifications ces dernières années «presque toujours dans un sens plus restrictif», dit-on au Ciré. Et ce, tant au niveau des procédures d’asile (procédure accélérée en 15 jours pour les pays dits sûrs) que des canaux permettant une migration légale (regroupement familial).

Le Ciré évoque le pouvoir discrétionnaire de l’Office des étrangers en matière d’autorisation de séjour: "Il s’apparente parfois à de l’arbitraire. C’est notamment le cas avec les demandes de régularisations médicales ou de régularisations humanitaires ou encore d’octroi de visas de court séjour pour des visites familiales ou touristiques."

… Mais moins que dans d’autres pays

La Belgique n’est pas le plus mauvais élève de la classe si on compare la situation avec la Grèce, Malte, l’Italie, la Pologne ou la Hongrie, mais elle peut faire mieux. En témoignent les nombreuses condamnations (10 dont 5 depuis 2010) par la Cour européenne des droits de l’Homme concernant la problématique de l’enfermement et de l’éloignement des étrangers.

Maggie De Block sur la sellette

La Secrétaire d'Etat à la Politique de Migration et d'Asile Maggie De Block n’a pas de compétence directe en matière d’Asile. Cette politique dépend du CGRA (indépendant) et du Conseil du Contentieux des Etrangers (CCE) juridiction qui peut revoir les décisions négatives rendues par le CGRA. Maggies De Block est en revanche compétente en matière de séjour.

Au ciré on n’hésite pas à dire que pour les Afghans « il y a des dysfonctionnements… Politiquement, Maggie De Block pourrait faire des choses, mais ne les fait pas. L’ordre de quitter le territoire après un décision du CGRA est appliqué de manière automatique sans étudier le risque encouru pour l’Afghan qui retourne dans son pays». Pour le Ciré, la Secrétaire d’Etat « se cache derrière son administration. »

Fin septembre, la porte-parole de Maggie De Block s’était expliquée sur cette situation en expliquant que le CGRA est une institution indépendante qui ne reçoit aucune instruction de la ministre. Les candidats réfugiés reçoivent plus rapidement une réponse de l’administration. Il n’y a plus de crise de l’accueil: ceux qui y ont droit reçoivent une place dans le réseau, explique-t-elle. Puisqu’on a instauré un "filtre médical" et qu’on décourage les demandes multiples et non fondées, il y en a moins et elles sont traitées plus vite, poursuit la porte-parole de Maggie De Block: en cela la politique est plus humaine.

Vers une politique européenne de l’immigration.

La politique migratoire européenne est le plus petit dénominateur commun concernant ces politiques étatiques. Chaque Etat conserve ainsi le pouvoir de contrôler l’accès à son territoire. Toute la question serait encore de savoir quelle politique européenne de l’immigration serait utile. Au ciré, on remarque que les systèmes d’asile sont censés être harmonisés au niveau européen mais que dans les faits, « C’est une véritable loterie.»

18/10/2013, Jean-Claude Verset

Source : RTBF

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