Lors d'un "contrôle de routine" des agents de la police marocaine, un jeune Camerounais de 18 ans a trouvé la mort mercredi, en chutant du haut d'un immeuble de la cité de Boukhalef à Tanger. Des échauffourées s'en sont suivies entre migrants et forces de l'ordre, donnant lieu à des scènes de violences dans la ville du Détroit.
Tout à coup, plusieurs unités des Forces auxiliaires investissent un immeuble, habité par des migrants subsahariens. Cette "descente musclée", selon les témoins de la scène, a pour objectif de procéder à l'arrestation d'immigrants illégaux.
Dans l'une des chambres de l'immeuble, les forces de sécurité tombent sur Cédric, un jeune Camerounais de 18 ans. Les policiers tentent de l'embarquer mais Cédric demande à s'habiller avant de sortir. Cédric a probablement voulu résister pour ne pas avoir à monter dans un bus, synonyme d'expulsion.
Mais quelques instants plus tard, son corps gît inanimé sur le bitume. Cédric est tombé du 4e étage. Son compagnon de chambre et les associations dénoncent "un meurtre". Selon eux, Cédric a été propulsé par dessus bord.
Les agents ont pour leur part pris la fuite, sans même appeler une ambulance, précisent les témoins. Une information confirmée -involontairement- par les autorités locales, qui ont déclaré à l'agence de presse MAP que c'est un appel anonyme qui a donné l'alerte et réclamé l'évacuation de "la dépouille d'une personne allongée sur la voie publique dans le quartier Al Irfane".
"Nous ne savons pas encore s'il a sauté pour échapper à la police ou s'il a été poussé", a affirmé jeudi à l'agence de presse AFP Boubker El Khamlichi, responsable local de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH).
Tensions entre clandestins et policiers
Les habitants du quartier Al Irfane et l'ensemble des migrants présents dans l'immeuble se massent alors dans la rue pour protester. Les migrants subsahariens, à bout de nerfs, décident d'acheminer le corps à la morgue de l'hôpital Mohammed V, s'interposant aux ambulanciers dépêchés sur place.
Durant cette marche improvisée, ils dénoncent par des mots d'ordre, tels que "policiers assassins!", les différentes exactions qu'ils subissent au quotidien. Sur la route, ils sont stoppés par un barrage de police mais aussi, et malheureusement, caillassés par un groupe de Marocains.
L'affrontement devient alors inévitable.
D'après les autorités locales, des heurts ont éclaté en plein boulevard Boukhalef lors de l'évacuation de la dépouille. Par ailleurs, selon les informations livrées par les autorités locales à la MAP, "deux membres des forces de l'ordre ont été blessés" par des jets de pierre provenant des migrants.
Finalement, le corps de Cédric est récupéré par les forces de l'ordre qui le transportent à la morgue.
De nouveau, plusieurs centaines de clandestins improvisent une marche en direction d'un commissariat de police, dans le but de protester "contre les violences envers les migrants". Après des négociations avec les policiers afin de ramener le calme, les manifestants sont rentrés dans leur quartier.
Des pratiques douteuses
Ce drame intervient moins de deux mois après un incident comparable, lors duquel Moussa Seck, un migrant sénégalais, avait trouvé la mort, défenestré suite à l'arrivée de la police dans son appartement.
La mort de Moussa avait déjà avivé quelques tensions. Les autorités avaient conclu à un accident. Bizarrement, Alpha Barry, le principal témoin de "cet accident" du 10 octobre dernier, est en train d'être reconduit à la frontière au sud du Maroc.
Le décès de Cédric porte donc à 5 le nombre officiel de migrants africains morts suite à une intervention de la police marocaine depuis le début de l'année.
Au moment où le Maroc veut changer de stratégie en matière de politique migratoire, en réponse aux critiques d'ONG, avec une vague de régularisation exceptionnelle parmi les "25.000 à 40.000 migrants" clandestins qui se trouveraient sur le sol marocain, on peut s'interroger sur la signification des régulières descentes des Forces auxiliaires chez les migrants africains, en particulier sur les dizaines d'arrestations "très brutales" opérées par les autorités de Tanger depuis cette annonce.
Le CRDH et Amnesty International se sont saisis du dossier. Les associations de défense des droits des migrants avouent, tout de même, ne plus savoir à quel saint se vouer et réclament un moratoire sur les expulsions.
La volonté royale serait-elle usurpée ?
Espérons pour le moment que l'enquête, ouverte mercredi par le parquet sur la mort de Cédric, éclaircira les circonstances confuses qui ont entouré son décès.
5/12/2013, Mathieu Catinaud
Source : aufait