dimanche 24 novembre 2024 16:26

Immigration, les Italiens s’insurgent contre une Europe insensible

En quatre jours, 6 000 migrants venus d’Afrique sont arrivés en Italie. La population italienne devient de plus en critique face au poids que doit porter seul le pays.

Depuis le retour d’une météo clémente, les débarquements en provenance des côtes libyennes sont quotidiens. En l’espace de quatre jours, 6 000 migrants sont arrivés. Le 9 juin, 1 320 personnes, dont de nombreux jeunes Somaliens, ont été secourues par l’ « Etna », un des navires de la mission « Mare Nostrum », engagé avec des bâtiments militaires maltais et américains, ainsi que des navires marchands se trouvant dans la zone, dans une importante opération de surveillance de 25 embarcations parties de Libye.

Selon les estimations du Gouvernement, entre 400 000 et 600 000 personnes seraient prêtes à quitter la Lybie. À Porto d’Empédocle, dans la province d’Agrigente en Sicile, la tension est palpable. La ville portuaire accueille, depuis des mois, des embarcations chargées de migrants et se débrouille avec les moyens du bord – gymnases, salles mises à disposition par la Caritas et les paroisses – pour les héberger dans l’attente de leur transfert sur la terre ferme.

« UNE SITUATION DE DRAME HUMAIN »

Le maire centriste, Calogero Firetto, déplore « une situation de drame humain » et pointe du doigt, à l’instar d’autres maires siciliens comme ceux de Palerme, Leoluca Orlando, et de Catane Enzo Bianco, « les institutions et les partenaires européens dont la crédibilité est de plus en plus vacillante ». Il observe une montée croissante de l’intolérance de la population. « Mes concitoyens viennent frapper à la porte de mon bureau pour exprimer leur colère. Ils me disent : “les collectivités paient pour les extra communautaires mais personne ne nous aide pour nourrir nos enfants !” ». Une colère qui semble se radicaliser en Italie où la crise économique frappe encore durement.

Pour preuve, les commentaires des lecteurs d’un grand quotidien orienté à gauche, La Repubblica. Hier, l’un deux, Ettore, s’indignait : « Combien pouvons-nous encore en accueillir ? Que fait l’Europe ? Pourquoi l’Espagne repousse les migrants ? Pourquoi les pays arabes riches n’en accueillent même pas un ? Nous vivons dans un pays d’irresponsables avec une classe politique indigne. » 

Irresponsable ? La situation géographique de l’Italie fait d’elle une des premières portes d’entrée de l’Europe. Au ministère de la marine, on précise que « 50 000 personnes ont été secourues en mer » depuis le début de l’opération « Mare Nostrum », déclenchée au mois d’octobre, après les naufrages au large de Lampedusa qui ont fait plus de 400 morts.

DES JEUNES FEMMES ENCEINTES ET DES BÉBÉS

Parmi les migrants, on dénombre de plus en plus de femmes très jeunes et enceintes, de bébés et de mineurs non accompagnés. L’utilité de cette mission, qui coûte 9 millions d’euros par mois, est évidente. Mais certains partis de droite, dont la Ligue du Nord et Forza Italia, la contestent.

 « L’opération Mare Nostrum doit être interrompue, comme le demandent les signataires d’une motion qui sera discutée au sénat cette semaine, déclare la sénatrice de Forza Italia, Anna Maria Bernini. Cette mission humanitaire d’urgence s’est transformée en un instrument d’une politique qui alimente l’invasion de migrants illégaux et profite aux trafiquants d’êtres humains. » 

Les dirigeants de l’opération « Mare Nostrum », eux, affirment qu’il n’est pas question de suspendre leurs activités « essentielles pour sauver des vies », et qu’il n’y a pas de date limite.

Le président du Conseil Matteo Renzi n’a pas remis en question la mission. Mais en mai, il a fustigé Bruxelles après un naufrage. « L’Europe nous laisse seuls. Il n’est pas possible de sauver des États, des banques, puis de laisser mourir des mères avec leurs enfants », a-t-il affirmé, se référant aux dénonciations du pape sur la  « mondialisation de l’indifférence ».  

« LAISSER PARTIR LES DEMANDEURS D’ASILE » VERS L’UE

En revanche, le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, (centre droit) a menacé de « laisser partir tous les demandeurs d’asile vers les autres pays membres, juste après avoir vérifié leur droit à une protection internationale, si l’UE n’augmente pas les aides à l’Italie ». 

De son côté, le président des maires d’Italie, le Turinois Piero Fassino, membre du Parti démocrate, a demandé au ministre de l’Intérieur d’organiser une réunion en urgence « face à une situation aux proportions dramatiques et insoutenables, qui exige un engagement financier et logistique de l’État et des Régions ». 

Force est de préciser que ce sont les maires qui avancent l’argent pour l’aide aux migrants et que la plupart des structures de premier accueil, souvent dans un état indigne du mot accueil, sont totalement saturées. L’urgence d’un réveil communautaire est indéniable.

 En cinq ans, quatre fois plus de migrants en Sicile et à Malte 

50 000 migrants ont débarqué en Italie, selon le gouvernement italien, depuis le début de l’année 2014. Soit autant que sur toute l’année passée.

En 2013, ils ont été près de 40 000 à débarquer en Sicile et à Malte, soit quatre fois plus qu’en 2009, d’après Frontex, l’agence de gestion des frontières extérieures de l’Union européenne.

Le précédent pic d’arrivées remonte à 2011, année des printemps arabes. Cette année-là, les côtes sicilienne et maltaise ont accueilli 59 000 personnes.

Sur les 40 000 migrants ayant débarqué en 2013 en Sicile et à Malte, 9 500 sont syriens, contre 100 en 2012. Près de 10 000 d’entre eux sont érythréens et 4 500 sont somaliens.

C’est en Sicile et à Malte qu’est recensé le plus grand nombre d’entrées illégales en Europe. Viennent ensuite la Grèce, la Bulgarie et Chypre, qui à elles trois totalisent 24 800 entrées en 2013.

9/6/14, Anne Le Nir

Source : la-croix.com

 

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