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Forum "L'Afrique à venir" : chercheurs et universitaires soulignent l'importance d'un plus grand rapprochement entre l'Afrique du Nord et l'Afrique sub-saharienne

Des chercheurs et universitaires de différents horizons, réunis vendredi à Essaouira dans le cadre du Forum du 17è Festival Gnaoua et musiques du monde, placé sous le thème "L'Afrique à venir", ont souligné les enjeux qui plaident en faveur d'un plus grand rapprochement entre l'Afrique du Nord et l'Afrique sub-saharienne.

Afin de démontrer la pertinence de cette option stratégique, les conférenciers, répartis entre deux panels, "Regards historiques" et "Dynamiques actuelles : Etat, mobilités, crises", ont décortiqué la situation que connait actuellement l'Afrique sur les plans économique, politique et social, les différentes expériences menées pour permettre à ce continent de se relever et de prospérer, les entraves qui empêchent les Africains de réaliser ce but tant escompté, les rapports entre les différents espaces géoculturels qui composent l'Afrique et les défis imposés par les mouvements migratoires massifs, notamment pour les pays de l'Afrique du Nord.

Les panelistes ont commencé par relever le paradoxe que connait l'Afrique, un continent à la fois très riche par son potentiel humain, que ce soit en terme de main d'œuvre ou de matière grise, son vaste espace non encore totalement mis en valeur et ses ressources naturelles, et qui souffre de la pauvreté, la corruption, les conflits incessants avec les violations consécutives des droits de l'Homme, la faillite de plusieurs Etats, le bas niveau de vie, un faible rôle dans les échanges internationaux et un poids insignifiant dans la gouvernance internationale.

Ils sont également revenus sur les différents courants et mouvements qui ont milité pour la renaissance de l'Afrique, dont certains préconisaient la redécouverte du riche passé du continent pour en faire un socle et une source d'inspiration pour promouvoir la créativité dans les différents domaines, soulignant que dans sa quête d'épanouissement, l'Afrique a souffert des préjugés qui la présentent comme un continent éclaté en sous-régions, ce qui renvoie à la relation entre l'Afrique septentrionale et l'Afrique au sud du Sahara.

Dans ce sens, les intervenants ont insisté sur le fait que le Sahara, cette vaste écorégion désertique qui coupe le continent de l'Atlantique à la mer Rouge, n'a jamais constitué une barrière entre le nord et le sud de l'Afrique, mettant en avant les multiples liens qui ont réuni étroitement ces deux parties de l'Afrique, qui étaient de nature commerciale, politique, religieuse et intellectuelle, pour se développer, ensuite, en liens de sang et de mémoire partagée, notamment après la 2è Guerre mondiale et la lutte commune pour l'indépendance.

Ils ont toutefois admis que les pays d'Afrique du Nord demeurent, pour des raisons historiques, économiques, culturelles ou religieuses, tiraillés entre plusieurs pôles d'attraction, comme l'Europe, la Méditerranée ou l'Orient, tout en soulignant les enjeux qui imposent un rapprochement entre ces deux grandes parties du continent, notamment les facteurs géopolitiques et sécuritaires (prolifération des groupes terroristes en Afrique), socio-économiques (mise à niveau du potentiel humain et valorisation des ressources naturelles) et culturels (promotion des valeurs de la tolérance, à travers l'intensification des échanges culturels).

Afin de réaliser ce rapprochement, les conférenciers ont plaidé en faveur d'une place de choix pour l'histoire de l'Afrique dans les programmes scolaires, notamment dans l'Afrique de Nord où la priorité devrait être donnée à un système éducatif qui prend en compte les différentes échelles d'appartenance de ces pays (maghrébine, arabe, islamique, méditerranéenne, africaine).

A ce propos, ils ont regretté la négligence dont fait l'objet, au niveau mondial, l'histoire de l'Afrique, un continent qui a eu un apport considérable dans les grandes étapes qui ont façonné l'histoire de l'humanité, grâce à la force de travail et aux ressources naturelles dont il dispose, rappelant, à titre d'exemple, que l'or africain a largement contribué à la prospérité financière de l'Europe, bien avant la découverte des Amériques et de leurs métaux précieux, sans oublier la main d'œuvre du continent, issue de la traite négrière, qui a fait tourner l'industrie mondiale avant le développement des machines.
Les conférenciers se sont également penchés sur la crise identitaire que connait l'Afrique et qui est, en grande partie, source de conflits, pointant du doigt, entre autres, les frontières héritées de la colonisation, qui n'obéissent pas aux réalités historiques et identitaires sur le terrain, donnant lieu à des Etats-nations qui souffrent de "trous d'histoire" et qui manquent gravement d'homogénéité et à des identités nationales qui ne parviennent pas se substituer à l'appartenance ethnique ou historique.

En guise de solution à cette situation, les intervenants ont souligné l'importance de permettre aux gens d'exprimer la diversité culturelle dans l'union et de partager toute cette histoire commune sans entrer en conflit.

Tous ces conflits et sous-développement économique entraînement, naturellement, des mouvements de migration, d'abord vers l'Europe, ensuite vers les pays de l'Afrique du Nord et là aussi, soutiennent les conférenciers, les défis sont énormes pour ces pays de transit ou d'accueil selon les circonstances- qui se voient appelés à adopter de vraies politiques migratoires adaptées à la nouvelles situation, tout en prenant en considération les répercussions profondes d'une telle politique au niveau de l'édifice étatique et de la composition sociale.

Les travaux de cette première journée du Forum, qui dure deux jours, ont été axés sur plusieurs thèmes, tels "L'Afrique et la mondialisation, une longue histoire", "Pour un enseignement de l'histoire de l'Afrique au Maroc", "Repenser les relations historiques entre l'Afrique du nord et subsaharienne à travers l'étude des minorités religieuses et ethniques: cas des juifs sahariens", "Identités, territoires et Etat en Afrique" et "Maroc, politique migratoire et comment penser le pluralisme religieux", la "Libre circulation des personnes en Afrique : réalités et défis", "Cognitions sanhajiennes et hassaniennes du Sahara atlantique" et "Mobilité forcée à partir de l'Afrique subsaharienne vers le Maroc: perspectives d'intégration".
Les panels étaient composés de Doulaye Konate, président de l'Association des Historiens africains, Catherine Coquery Vidrovitch, Professeur émérite de l'Université de Paris Diderot, Mostafa Hassani Idrissi, didacticien expert de la Faculté des sciences de l'Education à Rabat, Aomar Boum, professeur à l'Université de l'Arizona, Khalid Chegraoui, professeur chercheur à l'Institut des Etudes Africaines à Rabat, Rachid Benlbah, professeur-chercheur à l'Institut des Etudes Africaines à Rabat, Issiaka Mande, professeur-chercheur en sciences politiques à l'Université du Québec, Mustapha Naimi, Chercheur à l'Institut de Recherche scientifique (Rabat), et Ursula Schulze Aboubacar, représentante à Rabat du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies (UNHCR).

13 juin 2014

Source : MAP

 

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