dimanche 24 novembre 2024 17:06

Mexique : expulsés des Etats-Unis, des migrants échoués près de la frontière

Le long de la frontière avec les Etats-Unis, un canal de Tijuana, au nord-ouest du Mexique, voit s'échouer sur ses rives des centaines de migrants mexicains ou d'Amérique centrale irréguliers, expulsés des Etats-Unis et voués la plupart à la marginalité et à la drogue.

L'an dernier, plus de 300.000 Mexicains ont été expulsés des Etats-Unis. Tijuana est leur principal point de passage. Là, ils passent nécessairement par un pont au-dessus d'El Bordo, un canal charriant détritus et eaux usées.

Si la plupart des migrants continuent leur route vers le sud, les rives du canal, écrasées par la chaleur, sont le point de chute d'un millier d'entre eux, totalement démunis, qui peuvent y rester des mois et, pour certains, des années.

Martin, un jardinier originaire du Sinaloa, au nord-ouest du Mexique, émerge d'un monticule de détritus. C'est là qu'il vit depuis un mois, après sa capture avec son épouse par une patrouille américaine, alors qu'ils tentaient de franchir la frontière clandestinement. Tous deux ont été renvoyés séparément vers le Mexique.

"Je ne la retrouve pas. Je ne sais pas quoi dire à mes quatre enfants", se lamente cet homme amaigri, âgé de 49 ans. Il montre à tous ceux qu'il rencontre la photo de sa femme, au cas où... Mais qui pourrait le renseigner alors que 90% de ceux qui ont échoué ici sont consommateurs actifs de drogue, selon une étude du Collège de la Frontière nord.

 Une déchéance inexorable

Comme Martin, de nombreux migrants clandestins passent de l'expulsion à la déchéance et la misère en quelques jours. Le risque de tomber dans l'addiction à la drogue grandit avec la durée de leur séjour au bord du canal.

"On les expulse sans autre bien que ce qu'ils ont sur eux, ils vont commencer à errer, à manger ce qu'ils pourront trouver et sans pouvoir se laver. La police va les traiter comme des délinquants et eux vont se sentir marginalisés", explique Ernesto Hernandez, un prêtre qui dirige une cantine qui accueille les expulsés, près du canal.

Dans cette situation, "si quelqu'un leur propose un verre ou une dose, ils vont être entrainés dans une spirale descendante, jusqu'à s'oublier eux-mêmes".

Cela fait cinq ans que Julio Romero, 60 ans, originaire de Mexico, vit au bord du canal. "J'étais un alcoolique et un drogué : cristal, marijuana, psychotropes, cocaïne..." Mais cela fait six mois qu'il a décidé de cesser sa course à la mort. Il survit en cirant des chaussures et en s'accrochant à sa "Sainte Bible".
Pour certains à Tijuana, ce problème migratoire est devenu une menace pour la sécurité dans la ville.

Certains "volent les habitants ou les touristes, et cela a beaucoup affecté le commerce", selon Gilberto Leyva, président de la chambre locale de commerce. Il se félicite que les autorités aient déployé récemment une centaine de policiers supplémentaires dans le centre ville.

 Repasser la frontière

Le père Hernandez souligne qu'il y a quelques années, la majorité des déportés étaient arrêtés à la frontière, au moment de la traverser clandestinement. Nombre d'entre eux avaient déjà construit leur vie aux Etats-Unis.

"Maintenant il proviennent plus de l'intérieur du territoire des Etats-Unis. Ce sont des gens qui y ont passé du temps".

Et ceux-ci ne cherchent pas à retourner dans leurs régions d'origine. Il restent à El Bordo dans l'attente de la première occasion de retraverser la frontière.

"Je vais y retourner. Je ne sais pas si ce sera cette semaine ou la prochaine, mais j'y retourne", dit dans un anglais parfait Juan Alberto Vargas, un étudiant mexicain en archéologie de 25 ans, qui vivait en Californie depuis l'âge de trois ans.

Les migrants d'Amérique centrale sont de plus en plus nombreux à El Bordo. Après avoir été renvoyé au Salvador, Ernesto a mis "une année entière" à traverser le Mexique pour se rapprocher de nouveau de la frontière. Ce maçon n'a qu'une obsession, retourner aux Etats-Unis pour retrouver les quatre enfants qu'il y a laissés, après 15 ans de séjour.

18 juin 2014

Source : AFP

 

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