La confédération helvétique croit aux chances de qualification de sa sélection forte de très nombreux joueurs issus de l’immigration, en particulier des Balkans.
Dans un pays qui, en février 2014, a décidé à une courte majorité de limiter l’immigration, le brassage au sein de la « Nati », surnom de la sélection suisse, détonne.
Au bout du suspense, il a libéré une équipe de Suisse crispée. L’attaquant Haris Seferovic (22 ans) a marqué, dimanche 15 juin, le but de la victoire(2-1) contre l’Équateur, dans les toutes dernières secondes du premier match de la « Nati » – surnom de la sélection suisse – au Brésil.
Pourtant, le buteur aurait pu porter le maillot d’une autre équipe présente à cette Coupe du monde. Car Haris Seferovic est né en Suisse, dans le canton de Lucerne, mais il est originaire de Bosnie-Herzégovine, la patrie de ses parents. Tenté de défendre les couleurs de son pays d’origine, il décide finalement de poursuivre son parcours international sous le maillot suisse avec lequel il remporte la Coupe du monde des moins de 17 ans en 2009.
DES JOUEURS VENUS TOUT DROIT DES BALKANS
Un choix gagnant pour la Suisse. Au sein de la sélection helvétique, l’histoire de Haris Seferovic est partagée par beaucoup de ses coéquipiers, comme lui issus de l’immigration. « La Suisse a d’abord accueilli beaucoup d’Espagnols et de Portugais, explique Daniel Visentini, journaliste à laTribune de Genève, qui suit la « Nati ». Avec la guerre en Yougoslavie, il y a eu une nouvelle vague d’immigration venue des Balkans (Bosnie, Kosovo, Albanie…). Cette nouvelle génération a émergé en équipe nationale dans les années 2000. C’est une richesse en plus pour l’équipe suisse. »
Au Brésil, une majorité des joueurs de la sélection dirigée par l’Allemand Ottmar Hitzfeld ont des origines étrangères, dont le capitaine Gökhan Inler, né en Suisse de parents turcs. Dans un pays qui a dit « oui » à la « fin de l’immigration de masse », même si c’était à une très faible majorité, lors d’un référendum le 9 février 2014 organisé à l’initiative du parti l’UDC (droite populiste), ce melting-pot a de quoi étonner. De fait, la « Nati » reste à l’écart de ce débat politique, estime Jérôme Berthoud, doctorant à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL) et chercheur boursier à l’EHESS.
« IL NE FAUT PAS TROP ATTENDRE DU FOOTBALL »
« La sélection ne suscite pas de grands débats et je n’ai pas le sentiment non plus qu’on essaie de faire du football une machine à intégrer comme l’équipe de France black-blanc-beur de 1998, explique-t-il. Je doute de l’effet à long terme que peut susciter cette équipe multiculturelle dans le pays. Il ne faut pas trop attendre du football. Un ou deux faits divers peuvent vite effacer un bon parcours de l’équipe nationale. En revanche on sent une vraie fierté, chez les étrangers vivants en Suisse ou les Suisses issus de l’immigration, de voir des joueurs originaires du même pays qu’eux montrer qu’ils peuvent réussir. »
Les joueurs, eux, ne se risquent pas sur le terrain glissant de la politique. Toutefois, certains n’hésitent pas à afficher leur maillot suisse. « Un joueur comme Valon Behrami, natif du Kosovo, met un point d’honneur à montrer que les populations qui viennent de cette région peuvent travailler et être intégrées, assure Daniel Visentini. Ces joueurs savent ce que le pays a fait pour eux et leurs parents, ils sont reconnaissants. »
UNE JEUNE GÉNÉRATION PROMETTEUSE
Si une petite minorité au sein de la Confédération helvétique peut remettre en cause l’attachement des footballeurs venus d’ailleurs au drapeau à la croix blanche sur fond rouge, la population soutient son équipe nationale. D’autant que la Suisse, qui n’a disputé que trois Coupes du monde depuis celle de 1966, a retrouvé de l’ambition, notamment grâce à une jeune génération prometteuse emmenée par Xherdan Shaqiri (22 ans), né au Kosovo, qui pourrait d’ailleurs changer de maillot si la sélection kosovare était reconnue par la Fifa.
Car le football suisse, comme la France, est aussi confronté à la problématique des joueurs binationaux. Certains, formés dans les centres helvétiques, décident de défendre les couleurs de leur pays d’origine, à l’instar de l’excellent Ivan Rakitic, né en Suisse, qui a opté pour la Croatie. La Fédération tente de limiter le phénomène en accompagnant ses jeunes pousses, qui le plus souvent… choisissent de rester.
19/6/2014, Arnaud Bevilacqua
Source : La Croix