Le récent afflux d'enfants arrivés illégalement aux Etats-Unis d'Amérique centrale provoque une importante crise humanitaire et prend maintenant un tournant politique.
Ces enfants se trouvent dans "des conditions terribles. Ils n'ont pas de lit et dorment par terre", déplore auprès de l'AFP Domingo Gonzalo, de l'association Campaña Fronteriza qui opère depuis Brownsville, au Texas (sud), où se trouve un centre de détention.
Plus de 52.000 mineurs, dont les plus jeunes n'ont que trois ou quatre ans, ont été détenus depuis le mois d'octobre pour avoir traversé la frontière illégalement, dans l'espoir que poser le pied aux Etats-Unis leur donnera droit à un permis de séjour.
Malgré les efforts du président Barack Obama pour les dissuader de faire ce dangereux voyage, en martelant qu'ils finiront par être expulsés, des centaines d'enfants continuent d'arriver quotidiennement depuis la frontière mexicaine.
Le processus pour expulser un enfant arrivé illégalement et sans membre de sa famille l'accompagnant est en effet très long et compliqué, et beaucoup font le pari qu'ils finiront par pouvoir rester dans le pays.
Au Texas et en Arizona, dans le sud et le sud-ouest des Etats-Unis, épicentre de la crise, les centres de détention et les bases militaires sont saturés, a expliqué à l'AFP une source proche des gardes-frontières, sous couvert de l'anonymat.
Les mineurs y sont entassés en attendant que les autorités amorcent le processus pour les renvoyer dans leur pays et leur donner entre-temps une structure d'accueil plus durable.
La Croix-Rouge américaine a confirmé à l'AFP qu'elle avait dû fournir aux Etats des couvertures et kits d'hygiène pour les jeunes détenus, qui arrivent souvent épuisés et affamés à l'issue d'un parcours périlleux de milliers de kilomètres.
Pour l'ONG californienne Hermandad Mexicana, qui défend les droits des migrants, Washington aurait pu prévenir cette situation "vu les flux d'enfants arrivés (sans parents) ces dernières années dans le pays".
Un manque d'anticipation
Le département américain de Sécurité intérieure "aurait pu anticiper les besoins de lits, d'accueil", a renchéri auprès de l'AFP Nativo López, un conseiller de Hermandad Mexicana.
Les flux d'enfants qui passent la frontière illégalement se sont accélérés ces derniers mois, dans la perspective de la réforme migratoire souhaitée par le président Obama. Le projet de loi prévoit notamment une accession plus facile à la nationalité pour les enfants sans-papiers, contre un renforcement du contrôle de la frontière mexicaine.
Mais le texte se trouve aujourd'hui au point mort à la Chambre des représentants, dominée par les Républicains, et le président a annoncé lundi qu'il entendait désormais agir par décrets pour tenter de répondre à la crise.
Sur le plan diplomatique, pour essayer de mettre en place des solutions conjointes, le vice-président américain Joe Biden et le secrétaire d'Etat John Kerry se sont réunis avec des responsables de pays d'Amérique centrale, d'où viennent l'essentiel des enfants migrants, qui fuient la pauvreté et la violence.
M. López regrette toutefois que "le président (Obama) tente d'assouplir les règles permettant d'expulser les mineurs et les privent ainsi de leurs droits", alors qu'ils "devraient être traités comme des réfugiés".
Les rares images qui ont pu être prises de l'intérieur de ces centres montrent des centaines d'enfants qui dorment à même le sol avec de simples couvertures isothermiques.
La loi américaine prévoit que ces enfants soient accueillis par leur famille ou un centre d'accueil 72 heures après le début de leur détention. L'issue la plus fréquente est qu'un membre de leur famille établi légalement aux Etats-Unis demande à les héberger. Sinon, ils doivent être placés dans des auberges, pendant que la procédure d'expulsion suit son cours.
A court terme, il ne semble pas y avoir de véritable solution pour endiguer la crise. "L'arrivée de ces mineurs montre que le système est en panne", estime le conseiller d'Hermandad Mexicana.
"Nous allons aller de crise en crise jusqu'à ce qu'une réforme envisage véritablement une régularisation massive", prédit M. López.
02 juil. 2014, SARA PUIG
Source : AFP