jeudi 4 juillet 2024 18:16

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Surveiller et punir plutôt qu’accueillir

Présentés ce matin en Conseil des ministres, les projets de loi sur l’accueil des réfugiés et le séjour des étrangers inquiètent les associations. Qui ne constatent aucune rupture avec l’ère Sarkozy.

Depuis deux ans, le gouvernement consulte associations et institutions sur les questions relatives à une réforme de l’asile et des lois sur l’immigration. Quatre axes de réflexion avaient été fixés : la ville, le fonctionnement des centres de rétention, la notion d’intégration et la question des femmes migrantes. En mai 2013, le député socialiste Matthias Fekl, auteur d’un rapport sur le sujet, dressait un bilan accablant pour l’ancienne majorité. Pourtant, un an plus tard, les deux textes présentés en Conseil des ministres ne répondent pas à ce qu’étaient en droit d’attendre de la gauche ceux qui militent pour une France accueillante et humaniste. « On n’est pas déçu, ironise Stéphane Maugendre, avocat spécialisé dans le droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés. À propos des étrangers, Hollande candidat avait uniquement promis le droit de vote, promesse sur laquelle il est revenu six mois après son élection. On a très vite compris que ce gouvernement serait dans la continuité des précédents. » Presque aucune des préconisations des associations n’a été entendue : elles demandaient le retour à la carte de résident valable dix ans ; préconisaient la réduction de la durée de rétention, qui revêt aujourd’hui un caractère punitif ; pensaient qu’un contrôle du juge des libertés et de la détention interviendrait au bout de deux jours de rétention, contre sept actuellement, afin d’éviter les expulsions sans décision de justice ; elles souhaitaient aussi qu’on mette un terme au régime dérogatoire injustifiable du droit applicable à Mayotte ; et étaient persuadées que la gauche interdirait définitivement l’enfermement d’enfants en rétention… « On a joué le jeu, dépensé beaucoup de temps et d’énergie dans ces concertations, déplore Sarah Bélaïsch, responsable nationale de la Cimade. Au final, on a le sentiment d’avoir été instrumentalisés pour légitimer des textes qui, sur certains points, aggravent la situation des étrangers. »

La proposition du gouvernement ne résout rien

Une des propositions phares prévoit un nouveau titre de séjour de quatre ans, accessible après un an de séjour régulier sur le territoire. « Avec une carte à faire renouveler chaque année, il était impossible de trouver un emploi en CDI ou d’obtenir un crédit », explique Stéphane Maugendre. Pour autant, la proposition du gouvernement ne résout rien. « Quatre ans, c’est insuffisant. D’autant que le préfet peut retirer ce titre à tout moment, sans justification. C’est une véritable épée de Damoclès », ajoute Sarah Bélaïsch. Plus inquiétant encore, un préfet suspicieux pourra avoir recours aux fournisseurs d’énergie et de télécommunication, aux banques, à la Sécurité sociale, aux collectivités territoriales, aux hôpitaux, aux écoles, aux travailleurs sociaux… pour contrôler l’exactitude d’éléments qu’il possède au sujet d’un étranger. Par ailleurs, le gouvernement Valls ne craint pas d’innover dans l’abject. En inventant « l’interdiction de circuler » en France pour les migrants pauvres issus de la communauté européenne. Si les autorités jugent que la présence de l’étranger constitue une menace à l’ordre public, ou constatent de sa part un « abus de droit » ou un « abus de la liberté de circulation », l’intéressé pourra être banni pour trois ans. « C’est une mesure qui vise très clairement les Roms », commente le président du Gisti. « Une idée sortie de cerveaux malades, ajoute la responsable de la Cimade. Si la loi est adoptée à l’Assemblée nationale, nous avons bon espoir que le Conseil constitutionnel la retoquera sur cet aspect. » Les associations saluent, malgré tout, la transposition en droit français des directives européennes liées aux réfugiés. Cependant, les nouveaux textes préconisent une obligation pour le demandeur d’asile de rester cantonné à son lieu d’hébergement pendant l’instruction de son dossier. Or, celle-ci peut aller de six à douze mois. Une absence de plus de quarante-huit heures sans autorisation préfectorale entraînera la suppression de ses droits sociaux et, dans certains cas, le rejet du dossier. « C’est une assignation à résidence, comme pour les criminels, s’indigne Stéphane Maugendre. Ces textes sont basés sur l’idée qu’un migrant est avant tout un suspect. » Préférant surveiller plutôt qu’accueillir, maîtriser plutôt qu’accompagner, le gouvernement, en matière d’immigration, comme sur de trop nombreux dossiers, trahit, une fois encore, les valeurs de la gauche.

23 Juillet, 2014, Émilien Urbach

Source : humanite.fr

 

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