dimanche 24 novembre 2024 13:32

Vénissieux et ses Minguettes : le magasine Z plonge dans l’histoire d’une banlieue française

 « Sol glacé, doigts gelés, horizon givré. Un matin de décembre, bonnets enfoncés jusqu’au cou, une petite équipe de Z avance dans un genre d’inconnu ». Cet inconnu, objet de nombreux fantasmes, c’est à Vénissieux que les journalistes du magazine « Z » sont allés le rencontrer pour un 8e numéro riche en illustrations, reportages et images d’archives.

Après le Tarn, Marseille, Nantes, Amiens, Paris et Thessalonique, la « revue itinérante d’enquête et de critique sociale », comme elle se définit, a posé ses crayons dans la banlieue lyonnaise. Au programme de « Z », un zoom sur la ville de Vénissieux et spécialement sur son quartier des Minguettes.

Déclarée première ZUP (zone à urbaniser en priorité) de France en 1967, elle a aussi été le lieu des premières émeutes en 1981 qui ont par la suite entraîné la Marche pour l’égalité et contre le racisme, surnommée la Marche des beurs, en 1983.

A l’occasion de la commémoration de cet événement qui s’est étendu à toute la France, la rédaction de Z a voulu mettre un pied dans cette cité pour « retrouver le fil des luttes portées par les héritiers de l’immigration ». Et pour cela, elle a remonté le temps. Divisé en quatre chapitres :

« Vénissieux, la rouge et la révolte »,

« Croisades phrygienne »,

« Percer le mur de la hoggra » ou encore

« Travail, chimie et subversion »,

Les nombreux reportages et témoignages collectés offrent un dossier approfondi sur cette période, avec la tentation de traiter des problèmes actuels de cette banlieue lyonnaise.

 « Ce n’était pas juste une histoire de voyous »

Entre rappels historiques et parole donnée, photos d’archives et images d’illustration, ce huitième numéro de « Z » permet de mieux comprendre l’origine de ces mouvements mais également de mieux connaître les personnes qui les ont vécus de l’intérieur.

Comme Hamana Khira, habitant des Minguettes, présent lors des émeutes, interviewé dans « Ce n’était pas juste une histoire de voyous »  :

« On avait 18-20 ans et on savait déjà que c’était No Future. (…). Puis il y a eu la prise de conscience collective qu’on allait tous partir à l’abattoir si on continuait à se laisser faire. Il fallait se défendre face aux contrôles d’identité à répétition, aux insultes des flics. Alors les contrôles, on les a défiés, et on s’est affronté avec la police ».

Ou encore son frère, Mohamed Khira qui définit la Marche comme le résultat inévitable d’un processus débuté des années plus tôt :

« La marche n’aurait jamais existé sans les grandes émeutes qui l’ont précédée. La marche, c’est la clôture du mouvement, l’apothéose, l’Elysée ».

Critique du nouveau fanatisme laïque

Mais alors qu’en est-il aujourd’hui ? Cette marche a-t-elle eu l’effet escompté ? La situation a-t-elle évolué ? Z arrive à la conclusion attendue qu’être d’origine immigrée tout comme être musulman à Vénissieux reste toujours aussi compliqué.

C’est ce que Naïké Desquesnes et Mathieu Brier expliquent dans un article intitulé « Le dernier village gaulois, critique du nouveau fanatisme laïque » :

« Choix alimentaires, vestimentaires, funéraires : les besoins culturels de base de toute une partie de la population sont laissés de côté, quand ils ne sont pas combattus fièrement au nom de la République « une et indivisible » ».

Cette exclusion est encore plus flagrante au regard des chiffres de personnes concernées par une opération policière. Que ce soit en 1983 ou en 2013, même constat : dans la très grande majorité des cas, les personnes sont issues de l’immigration. Idem pour les contrôles d’identité.

« Comme bon nombre d’habitants des Minguettes, Moncef subit des contrôles à répétition. Excédé par ce traitement humiliant, il les compte : 56 depuis 2002. A deux reprises, le contrôle a mal tourné, et il a été passé à tabac ».

Tomber dans la rue… à Lyon ou à Vénissieux

Mais malgré cela, ce qui revient très souvent dans les nombreux témoignages rapportés est la singulière solidarité qui régnait et règnerait toujours aux Minguettes. Avec, pour exemple, la caisse de solidarité, mise en place en 2007 suite à la répression des mouvements sociaux à Lyon. Son objectif étant d’aider, informer, soutenir financière ou psychologiquement, les personnes devant faire face à ce qui est appelé la « machine police/justice/prison » et d’éviter qu’elles se sentent démunies.

Une façon de faire bloc pour ne laisser personne sur le trottoir, comme le constate Nadera Hamitouche habitante du quartier Pyramide aux Minguettes de 2005 à 2012 :

« A Vénissieux, vous tombez dans la rue, vous aurez toujours quelqu’un qui va vous ramasser. A Lyon, c’est pas sûr ».

23/7/2014, Clémence Delarbre

Source : rue89lyon.fr

 

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