jeudi 4 juillet 2024 16:17

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Saguenay, tranquille ville du nord du Québec, confrontée à la xénophobie

Traditionnellement épargné par les mouvements xénophobes, le Québec est secoué depuis plusieurs mois par une série d'actes racistes visant la communauté musulmane de Saguenay, une ville du nord de la Belle Province connue et visitée principalement pour son fjord.

Du sang de porc jeté sur les murs de la mosquée aux autocollants haineux collés dans un quartier d'immigrants, jusqu'à la pose d'une affiche prévenant les visiteurs qu'ils entrent dans une "ville blanche", ces gestes ont créé un profond malaise dans cette ville de près de 150.000 habitants située à 500 kilomètres au nord-est de Montréal.

Jeune pays créé il y a moins de 150 ans et dont la population puise ses racines aux quatre coins de la planète, le Canada n'a aucun parti politique d'extrême droite.

Mais avec un vif débat de société sur la laïcité et un projet de "charte des valeurs" --finalement avorté--, le Québec s'est déchiré il y a quelques mois autour de la place des signes religieux dans la sphère publique. En particulier, le discours s'est cristallisé autour de l'intégration des populations de confession musulmane.

C'est au même moment qu'un groupuscule de droite dénommé "Les Nationalistes du Saguenay" a revendiqué la profanation de la petite mosquée de Saguenay.

Impossible de savoir s'il s'agit d'un groupuscule ou d'un mouvement en plein essor car ses membres opèrent dans l'anonymat. Et si la police enquête bien sur les différents actes xénophobes, personne n'a été arrêté ni accusé.

Dans cette région majoritairement francophone et catholique, connue pour la beauté de ses paysages, la population est à grande majorité blanche: entre 2003 et 2012, elle n'a accueilli que 1.150 des 360.000 immigrés reçus par le Québec.

 'Choqué et étonné'

Fervent catholique pratiquant et régulièrement critiqué pour réciter une prière avant le début des séances du conseil municipal, le maire Jean Tremblay s'est d'ailleurs abstenu jusqu'à présent de commenter ces actes xénophobes.

André Fortin, catéchiste au diocèse local, est "choqué et étonné par la violence des actes commis". Il est vrai qu'"être dans une région enclavée n'aide pas à ouvrir les esprits", lâche-t-il à l'AFP.

Fondateur du collectif citoyen "Coexister au Saguenay", Jocelyn Girard n'est "pas surpris par l'expression de la peur de la population", mais ce qui le "choque, c'est le passage à l'acte".
Outre quelques "préjugés", les habitants de cette région du Québec sont "surtout très curieux", affirme l'imam Brahim Rerhrhaye, né au Maroc et installé à Saguenay depuis 30 ans.

Certes, ces manifestations xénophobes anonymes visant la communauté musulmane et les immigrants ont troublé ce père de deux enfants marié à une Québécoise "pure laine". "Mais je ne veux pas accuser leurs responsables de racisme, je crois surtout qu'ils sont ignorants", confie-t-il, quelques jours à peine après avoir dû retirer une nouvelle série d'autocollants haineux des murs de la mosquée.

"C'est regrettable et décevant", juge Makhtar Gueye, Sénégalais et fier propriétaire du restaurant "Délices d'Afrique". Depuis son installation dans cette ville en 2012, il a adopté une attitude discrète: "J'aime porter mes djellabas, mais ici je ne me sens pas totalement à l'aise pour pratiquer ma religion".

À quelques pas de ce restaurant, Marc Bégin se demande autour d'un café qui peut bien se cacher derrière ces actes de racisme et regrette que leur médiatisation ait donné au groupe "Les Nationalistes du Saguenay" ce qu'il qualifie "d'importance démesurée".

Enseignant à la retraite, M. Bégin est convaincu que même si Saguenay devait constituer un terreau fertile pour les idées d'extrême droite, cette région reste habitée par suffisamment de gens ouverts sur le monde pour "contrebalancer ce genre de discours haineux ou xénophobe".

Le cas de Saguenay constitue-t-il un épiphénomène ou est-ce un aperçu des tensions sociales qui guettent un Québec en plein déclin démographique? La région de Saguenay devrait perdre 16% de sa population d'ici 2031, rendant incontournable le recours à l'immigration.

4 sept 2014, Anne LEVASSEUR

 Source : AFP

 

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