Submergée par un afflux de réfugiés, l'Allemagne, principale destination européenne des demandeurs d'asile, veut durcir sa politique d'accueil notamment à l'encontre des immigrés des Balkans.
Alors que la Grèce a réclamé, après l'Italie, plus d'aide européenne contre l'immigration pour faire face au flux migratoire à ses frontières maritimes, Berlin voudrait accélérer le renvoi des demandeurs d'asile dont la requête "est manifestement injustifiée", selon le ministre de l'Intérieur de Thuringe, Jörg Geibert.
M. Geibert et ses homologues des autres Etats régionaux en ont débattu jeudi et vendredi.
L'Allemagne s'apprête aussi à faciliter le renvoi des demandeurs en provenance de Serbie, Macédoine et Bosnie-Herzégovine, considérant que ces trois pays sont "sûrs" et qu'il n'y a pas de persécutions, tortures, violences arbitraires, traitements inhumains ou humiliants.
La chambre haute du Parlement, le Bundesrat, qui représente les Länder, doit examiner à partir du 19 septembre un projet de loi en ce sens, déjà adopté par les députés. Mais des organisations de défense des droits de l'Homme s'élèvent contre cette mesure.
Les Verts, dans l'opposition mais représentés dans certaines régions, pourraient faire barrage.
La chancelière Angela Merkel justifie ce tour de vis par la volonté de "se concentrer sur les réfugiés qui ont besoin d'aide en urgence ou qui ont des raisons de demander l'asile, comme les Syriens" de plus en plus nombreux à frapper à la porte.
Les Serbes, le plus souvent des Roms, très pauvres et mis au banc de la société, sont parmi les plus gros demandeurs d'asile en Allemagne. Même si leurs demandes sont toutes rejetées, ces réfugiés bénéficient durant l'examen de leur dossier --qui peut prendre plusieurs mois-- de prestations souvent plus généreuses que ce qu'ils gagnent dans leur pays.
Autre projet gouvernemental dans les cartons: le renforcement de la rétention aux fins de refoulement en cas de "risque important de fuite", selon l'Institut allemand pour les droits de l'Homme.
Toutes ces mesures relèvent d'une politique "restrictive" du droit d'asile qui "modifierait gravement la façon dont on s'occupe des gens qui cherchent une protection", selon Petra Follmar-Otto de l'Institut allemand des droits de l'Homme.
Centres d'hébergement surchargés
Depuis la fin 2010, les demandes d'asile grimpent en flèche en Allemagne. Première économie en Europe, elle affiche depuis deux ans le plus grand nombre de demandeurs de l'UE, devant la France.
En 2013, le bond a atteint 64% à 127.023 demandes, soit 29% des demandes enregistrées dans l'UE (435.000). Cette année, à la faveur des conflits en Syrie, en Irak et à Gaza notamment, elles devraient dépasser les 200.000.
Depuis le début de l'année, le nombre de Syriens demandant l'asile à l'Allemagne a quasiment triplé, celui des Irakiens a doublé. La plupart de ces réfugiés au destin fracassé arrivent au terme d'une longue odyssée à travers la Méditerranée. Certains responsables allemands accusent notamment l'Italie, qui doit faire face à un énorme flux migratoire, d'inciter ces réfugiés à poursuivre leur chemin plus au nord.
La plupart d'entre eux arrivent dans les grandes métropoles du pays, notamment à Berlin où le flot ne cesse de grossir alors que tous les centres d'hébergement sont déjà surchargés. A la fin août, la capitale allemande avait déjà accueilli 6.141 réfugiés, soit plus que pour l'ensemble de 2013.
Décision sans précédent, la Ville a fermé jusqu'à lundi son centre de première prise en charge. Conséquence: les nouveaux arrivants doivent être accueillis par d'éventuels proches ou des organisations caritatives, Berlin n'étant plus en mesure de leur fournir un logement et de la nourriture.
A partir de novembre, les nouveaux arrivants seront hébergés dans des logements conteneurs. Dans d'autres villes d'Allemagne, les demandeurs d'asile s'entassent dans des gymnases, des garages à autobus et des chapelles. Leur couche se résume parfois à un matelas à même le sol. Des tentes ont même dues êtres montées, comme à Nuremberg (sud-est).
Certains États régionaux réclament aussi que des casernes ou des hôpitaux vides soient mis à disposition.
L'Institut allemand pour les droits de l'Homme dénonce "des conditions catastrophiques" dans certains centres tandis que l'organisation Pro Asyl craint que ces solutions d'urgence ne deviennent durables.
06 sept. 2014, Yannick PASQUET
Source : AFP