mardi 5 novembre 2024 13:20

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Mort de Charles Ndour : « Le Sénégal a besoin d’une véritable politique migratoire » [Interview]

Les évènements liés à la mort du migrant sénégalais Charles Ndour ont été très commentés dans les médias, au Sénégal. Mamadou Diof, secrétaire général du Forum social africain à Dakar, a fait part, ce lundi 8 septembre, à Yabiladi de la nécessité pour le Sénégal de se doter d'une véritable politique migratoire qui intègre une diplomatie efficace.

Yabiladi : Comment l’opinion publique a-t-elle réagi au Sénégal face aux récents évènements liés à l’assassinat du Sénégalais Charles Ndour, il y a une semaine, à Boukhalef, quartier périphérique de Tanger ?

Mamadou Diof : Nous avons tout suivi d’ici quand l’information de la mort de Charles Ndour est tombée. Globalement, il y a un fort sentiment d’indignation dans l’opinion publique, d’autant que ce n’était pas la première fois. On a l’impression, ici, qu’un Sénégalais meurt au Maroc tous les trois ans environ dans des circonstances troubles et violentes. La presse, la télévision, la radio, tous les médias se sont fait l’écho de cette affaire. Ce qui fait mal, en plus, c’est de ne pas savoir comment l’enquête avance, si les prévenus sont jugés, quel est le jugement, la peine, mais aussi les dédommagements envisagés pour les familles des victimes.

La manifestation prévue le 5 septembre puis le 8 devant l’ambassade du Maroc à Dakar a-t-elle eu lieu ?

Nous avons annulé la manifestation pour des raisons de sécurité, en raison du contexte très agité dans lequel nous nous trouvions. On soupçonnait une infiltration de la manifestation pour la détourner de son objectif. Par contre, nous sommes en discussion avec l’ambassade du Maroc à Dakar. Nous obtiendrons peut être une rencontre entre l’ambassadeur et les ONG.

Comment le gouvernement a-t-il réagi suite à l'assassinat de Charles Ndour ?

Le gouvernement a fait un communiqué, il a assuré le rapatriement du corps de Charles Ndour et demandé au consul général du Sénégal de se rendre sur place à Tanger. Dans nos discussions avec le gouvernement, - cette après-midi même [lundi 8 septembre] avec la direction des affaires étrangères – nous insistons sur le besoin du Sénégal d’une véritable politique migratoire nationale.

L’ambassadeur et les consulats sénégalais sont-ils à la hauteur des situations difficiles rencontrées par les migrants irréguliers sénégalais au Maroc ?

Nous saluons la décision d’envoyer le consul général à Tanger, mais jusqu’ici nous avons surtout eu des raisons de critiquer nos représentations diplomatiques au Maroc. Lorsque l’ambassadeur a porté plainte contre plusieurs Sénégalais qui étaient venus à l’ambassade demander de l’aide contre les expulsions, nous sommes allés à la rencontre des autorités sénégalaises ici. Il n’est pas possible qu’un ambassadeur porte plainte contre ses propres concitoyens. On a beaucoup dénoncé le manque de considération et d’assistance des consulats pour la communauté sénégalaise. Selon nous, il faut une diplomatie de proximité et d’assistance qui soit plus protectrice.

Charles Ndour a-t-il été inhummé ? Que sont devenus les Sénégalais expulsés à la suite des manifestations d’indignation des migrants à Tanger ?

La famille du défunt a récupéré le corps de Charles Ndour. Elle est actuellement au village pour ses obsèques. Ils ne sont pas encore revenus. Pour les 25 Subsahariens menacés d’expulsion, les associations marocaines comme le Gadem et la communauté sénégalaise au Maroc nous ont dit qu’il y avait des Sénégalais parmi ceux qui ont bel et bien été expulsés, mais sur le vol qui nous a été indiqué, nous n’avons pu en identifier aucun. Aujourd’hui encore, nous cherchons à savoir grâce aux informations de Gadem, qui ils sont, combien ils sont et où ils sont.

Comment la société sénégalaise considère-t-elle ceux qui, comme Charles Ndour, décident de partir pour l’Europe à tout prix ?

Il y a ceux qui les considèrent comme des garçons braves puisqu’ils ont le courage de partir ainsi à l’aventure et il y a ceux, la plus grande majorité, je pense, qui estiment qu’ils risquent leur vie pour rien dans un voyage dangereux et long, pour survivre dans des conditions de vie abominables au Maroc où ils s’entassent, puis risquent encore mille dangers pour traverser la Méditerranée. Il y a beaucoup de jeunes qui quittent leurs parents sans les prévenir puis les appellent quelques jours plus tard en leur disant qu’ils sont arrivés au Maroc. Cela créé de véritables chocs dans les familles.

Quelles sont les solutions, selon vous, pour améliorer et sécuriser la vie des migrants sénégalais au Maroc ?

Nous pensons qu’il faut établir un mécanisme d’encadrement des migrants. Il faut une diplomatie gouvernementale et non gouvernementale pour faire la jonction intermédiation entre la population autochtone marocaine et les migrants subsahariens, entre le Maroc et le Sénégal.

Je ne pense pas que la mort de Charles Ndour soit l’occasion de tout résoudre, mais elle peut pousser le gouvernement à s’interroger, interroger sa diplomatie pour faire en sorte que de tels évènements ne se reproduisent plus. Je pense qu’ils vont comprendre qu’il y a urgence.

10.09.2014, Julie Chaudier

Source : Yabiladi

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