Malgré un scandale né des sorties racistes de certains candidats sur internet, l'extrême droite pourrait devenir dimanche la troisième force politique suédoise et priver les deux blocs traditionnels d'une majorité absolue au Parlement.
"Notre État-providence s'effondre à cause de l'afflux de réfugiés (...) Cela nous coûte un paquet d'argent": impeccable dans son costume sombre, le chef du parti des Démocrates de Suède (SD), Jimmie Åkesson, essaie ce jour-là de faire entendre sa voix dans un meeting de campagne à Fruängen, un quartier populaire de Stockholm.
"La principale promesse électorale du Premier ministre Fredrik Reinfeldt est une poursuite de l'immigration. Je pense que ce n'est pas la bonne priorité", lance-t-il à quelques dizaines de spectateurs, à peine plus nombreux que les policiers et les gardes du corps assurant sa sécurité.
À proximité, des manifestants hurlent "Dégagez, les racistes!".
SD réclame une réduction drastique de l'asile politique en Suède, un des pays les plus généreux en la matière, faisant valoir que cet argent devrait être consacré aux prestations sociales et à aider les étrangers, mais chez eux.
On s'attend à ce que quelque 80.000 réfugiés demandent l'asile cette année dans un royaume nordique qui donne automatiquement des permis de séjour aux personnes ayant fui le conflit en Syrie.
'Raciste et xénophobe'
"Leur politique est raciste et xénophobe, ils mettent tout sur le dos des immigrés", explique Sofia Linden, une employée de commerce de 31 ans opposée au SD.
Le parti est crédité d'environ 10% des intentions de vote, près de deux fois plus qu'aux législatives précédentes, en 2010, où il avait pour la première fois fait son entrée au Parlement avec 5,7% des suffrages et 20 sièges.
La formation anti-immigration semble avoir le vent en poupe malgré un scandale qui a obligé au moins une demi-douzaine de ses candidats à se retirer.
À moins d'une semaine de l'élection, Expressen a reproduit les commentaires racistes publiés de manière anonyme sur internet, mais que le tabloïd est parvenu à attribuer à des candidats de SD.
Le candidat du parti pour Stockholm aurait ainsi écrit que les Arabes avaient des "gènes violents" et que les immigrés étaient les "pires menteurs et manipulateurs".
Avant ces révélations, une autre candidate avait démissionné après la parution d'une photo la montrant avec un brassard nazi.
Tout cela laisse de marbre des sympathisants habitués à une presse qu'ils jugent hostile.
Arrivé à la tête de cette formation en 2005, M. Åkesson s'est attaché à en polir l'image et a décrété en 2012 une "tolérance zéro" pour le racisme, une façon de s'éloigner de ses racines dans les milieux néonazis.
'Médias partiaux'
"Je pense que les médias sont partiaux", estime Linnea Cortes, candidate SD âgée de 18 ans.
"On peut voir qu'une nette majorité de journalistes sont du bloc rouge-vert (gauche et écologistes, ndlr). Ils veulent faire passer leur propre idéologie et, quand des choses anciennes ressortent juste avant l'élection, je ne pense pas que ce soit une coïncidence", dit-elle.
Pour Daniel Poohl, du magazine antiraciste Expo, la politique de "tolérance zéro" est un bon argument électoral, même si le parti peine à la mettre en pratique.
"Cela vise à donner une présentation convenable. Bien sûr, ça fait plus humain de dire que vous voulez aider les réfugiés plutôt que de dire que les enfants qui fuient la guerre sont une menace pour le pays",
souligne-t-il.
"Parce que c'est en fait ce qu'ils pensent (...) mais on ne gagne pas d'électeurs avec ça, surtout dans un pays comme la Suède où l'adhésion à la solidarité internationale est assez forte".
Malgré un très léger coup de fatigue dans les derniers sondages, SD pourrait ressortir en position de force du scrutin de dimanche, qui devrait consacrer l'arrivée au pouvoir d'une coalition de gauche et écologiste minoritaire au Parlement.
Pour Sven Olav Lundberg, retraité de 75 ans, le succès annoncé des Démocrates de Suède est un coup de semonce pour l'establishment.
"Les autres partis commencent à parler d'immigration maintenant. Pourquoi ne le faisaient-ils pas avant ?", demande-t-il. "Il n'y a tout simplement pas assez de travail et de logement pour tous les immigrés et les réfugiés".
12 sept 2014, Tom SULLIVAN
Source: AFP