jeudi 4 juillet 2024 16:13

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France : nouveau départ pour le musée de l'immigration avec le nouveau directeur

Convaincu que son arrivée à la tête du Musée de l'immigration à Paris marque la fin des controverses politiques, l'historien français Benjamin Stora ne veut pas, pour autant, éviter les sujets qui fâchent, à commencer par la décolonisation et la guerre d'Algérie.

Ce spécialiste des guerres de décolonisation et des migrations maghrébines a été nommé en août "président du conseil d'orientation" du Musée national de l'immigration pour succéder à l'ancien ministre Jacques Toubon, devenu Défenseur des droits.

"Ma nomination symbolise une réconciliation: les intellectuels vont retrouver toute leur place dans l'institution. Elle marque aussi une volonté de s'émanciper des tutelles politiques", estime-t-il dans un entretien accordé à l'AFP.

La création d'un musée de l'immigration avait été envisagée par des universitaires et des militants dès les années 1990 pour souligner les apports des migrants à la société française. Portée par le socialiste Lionel Jospin, quand il était Premier ministre (1995-1997), elle avait été inscrite dans le programme du candidat Jacques Chirac en 2002 (président de 1995 à 2007).

Mais la "Cité nationale de l'Histoire de l'immigration" n'avait finalement ouvert qu'après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence (2007), en pleine polémique autour d'un projet de loi sur la maîtrise de l'immigration.
Des universitaires avaient démissionné des instances de la Cité et, en 2009, le ministre de l'immigration Eric Besson, transfuge de la gauche dans un gouvernement de droite y avait été chahuté, notamment par des jeunes chercheurs. En 2010, l'occupation de la Cité par des centaines de sans-papiers avait achevé de brouiller son image.

Depuis 2012, le climat s'est apaisé. "Deux ministres ont pu venir normalement", relève Benjamin Stora. Mais "la cité souffre toujours d'un déficit de visibilité et de moyens".

 'lutter contre les guerres de mémoire'

Lui espère que son nom "fasse le buzz" et aide cette institution - rebaptisée musée récemment - à gagner en notoriété. Il mise aussi sur les qualités intrinsèques du lieu, un bâtiment construit pour une exposition coloniale en 1931 dans l'est de Paris, qu'il juge "magnifique".

Mais pour conquérir de nouveaux publics, "il faut surtout ancrer la cité dans la société d'aujourd'hui", juge Benjamin Stora.

"On a une société en effervescence, si on se contente de parler d'immigration suisse au début du 20e siècle, on n'aura pas beaucoup de visiteurs", ironise cet homme aux multiples casquettes : enseignant, chercheur, réalisateur, commissaire d'exposition, auteur (il vient de publier la guerre d'Algérie expliquée en images).

Pour lui, "il faut trouver des sujets dans l'actualité" pour "abattre les frontières de mémoire. Par exemple, explique-t-il, autour de l'Algérie et de la colonisation, il y a trois histoires qui n'arrivent pas à se retrouver, celle des soldats, celle des Algériens et celle de leurs descendants. Il faut regarder tout ça en face, sinon existe un risque de confrontation".

Benjamin Stora veut donc que le musée s'adresse à trois publics différents: les Français majoritaires, "pour qu'ils regardent en face les apports des migrants à notre société"; les immigrés qui, une fois intégrés ont tendance à mettre une chape sur leur passé; leurs descendants qui "veulent savoir d'où ils viennent".

"Les secrets d'appartenance créent des troubles identitaires qui peuvent mener à des radicalisations", souligne Benjamin Stora, en espérant que son établissement aide à "lutter contre les guerres de mémoire".
S'il compte bien s'attaquer à l'actualité, l'universitaire ne veut pas pour autant "lâcher le fil sur l'histoire générale de l'immigration. Il ne faut pas être victime de la tyrannie du présent. Il faut garder la vision de longue durée pour atténuer les peurs et les fantasmes".

14 sept 2014 Charlotte PLANTIVE

Source : AFP

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