dimanche 24 novembre 2024 14:36

La tolérance suédoise à l'épreuve de la montée de l'extrême droite

La Suède succombe à son tour à la poussée de l'extrême-droite dont la percée électorale dimanche trahit une hostilité grandissante à l'égard de la politique d'immigration généreuse du pays.

"La Suède est sous le choc aujourd'hui", affirme Håkan Bengtsson, directeur du think tank Arena, après le score historique des Démocrates de Suède (SD), qui ont fait de la lutte contre l'immigration un cheval de bataille.

Dans un pays qui se targue d'une longue tradition d'accueil, les SD ont brisé le consensus et recueilli 12,9% des voix aux législatives, devenant le troisième parti dans un Parlement où ils ne siégeaient pas il y a cinq ans.

"C'est un peu déroutant", analyse M. Bengtsson. "Dans son ensemble, la population est de plus en plus acquise à la société multiculturelle (...) mais, d'un autre côté, les Démocrates de Suède progressent".

Cette année, le royaume de 9,7 millions d'habitants table sur l'arrivée d'au moins 80.000 nouveaux réfugiés fuyant des zones comme la Syrie et la Somalie, un afflux jamais vu depuis le conflit yougoslave dans les années 1990.

Son coût est un sujet de moins en moins tabou dans un pays qui s'efforce de résorber ses déficits publics et où le taux de chômage tourne autour de 8%. Pour la première fois, l'immigration est devenue un thème de campagne et les SD ont plus que doublé leur résultat par rapport au précédent scrutin en 2010.
"C'est trop de réfugiés. On n'en a pas les moyens", estimait Madeleine Filipiak, une serveuse de 20 ans rencontrée à la soirée électorale des SD. Élu local du centre de la Suède, Mårten Hjärtenfalk disait, lui, s'inquiéter de la fermeture prévue dans son district de deux maisons de retraite pour en faire des centres d'accueil pour immigrés.

Selon M. Bengtsson, les Démocrates de Suède ont séduit parmi la classe ouvrière, les personnes âgées, les chômeurs et dans les régions désindustrialisées.

 Encore sulfureux

Leur poussée fait écho au succès grandissant de l'extrême droite ou de la droite populiste sur le Vieux Continent sur fond de crise économique, chômage, mécontentement envers la mondialisation et l'immigration. En témoigne leur score aux européennes en France, en Grande-Bretagne et au Danemark en mai.

"Ça a juste pris plus longtemps en Suède", explique Andreas Johansson Heinö, chercheur à l'université de Göteborg.

"Le système politique suédois est très unidimensionnel", avec un clivage droite-gauche, "et il est difficile pour les partis populistes et anti-establishment de gagner des voix", dit-il. "Et puis, les Démocrates de Suède étaient très extrémistes dans les années 1990: il leur a fallu du temps pour qu'ils changent leur fond et leur image et espérer ainsi attirer plus d'électeurs".

Dès dimanche soir, leur jeune chef, Jimmie Åkesson, a tenté de sortir les SD de leur isolement. Se posant en "maître du jeu" face aux partis traditionnels, il s'est dit prêt à travailler avec eux sur le mode du donnant-donnant. Mais le probable futur Premier ministre, le social-démocrate Stefan Löfven a immédiatement décliné l'invitation, comme l'avait fait avant lui le Premier ministre sortant, Fredrik Reinfeldt (centre droit).

Dans les pays scandinaves voisins, les partis populistes anti-immigration ont acquis une respectabilité qui manque aux SD, ayant lissé leur discours bien avant eux.

Au Danemark, le gouvernement minoritaire de centre droit s'est appuyé sur le soutien du Parti du peuple danois (DF, populiste) pendant 10 ans, jusqu'en 2011. En Norvège, le parti du Progrès (FrP, populiste) siège depuis octobre 2013 au sein de la coalition au pouvoir.

Ce n'est qu'en 2012 que M. Åkesson a décrété une "tolérance zéro" pour le racisme chez les SD mais une dizaine de candidats ont dû se retirer la semaine dernière après les révélations d'un journal leur attribuant des propos xénophobes sur internet.

"Cela représente moins de 1% de nos candidats", a déclaré le chef du groupe parlementaire, Björn Söder, à l'AFP. "On les a expulsés car ils ne sont pas les bienvenus chez nous".

Même s'ils rejettent le label "extrême droite" et préfèrent se définir comme "parti social conservateur et nationaliste", les SD restent perçus comme sulfureux. Lundi, la Une du tabloïde Expressen était une page noire avec quelques mots laconiques "Hier, 781.120 Suédois ont voté pour" les SD, symbolisés par leur logo en forme de fleur bleue et jaune.

15 sept. 2014, Pierre-Henry DESHAYES

Source : AFP

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