De nouveaux témoignages sur le naufrage le 10 septembre en Méditerranée d'un bateau transportant des centaines de migrants, sans doute le pire de ces dernières années, ont confirmé mardi l'ampleur du bilan et l'horreur du scénario.
Selon ces témoignages, recueillis par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Grèce et en Italie, il y avait 400 à 450 personnes de plus de 10 ans à bord - Syriens, Palestiniens, Egyptiens et Soudanais - et jusqu'à une centaine d'enfants.
Avec ce naufrage et les dizaines de disparus dans le naufrage d'un autre bateau dimanche au large de la Libye, le nombre de migrants morts ou disparus en mer cette année approche les 3.000, soit déjà près de quatre fois le bilan de 2013, estimé à 700 morts, selon l'OIM.
Partis d'Egypte le 6 septembre dans l'espoir de gagner l'Italie, les migrants ont changé trois fois de bateau pendant la traversée et, quand ils ont refusé le 10 septembre de passer sur une embarcation qui leur semblait trop frêle, les passeurs ont embouti leur bateau.
Ils étaient une dizaine, Palestiniens et Egyptiens, sur un bateau distinct. "Ils ont attendu pour être sûrs qu'il coule complètement avant de partir. Ils riaient", a raconté un survivant à l'OIM.
Les 300 personnes qui se trouvaient sur le pont inférieur n'ont eu aucune chance. Et parmi les quelque 200 du pont supérieur, les secours n'ont retrouvé que 10 survivants et trois corps.
Des enquêtes ont été ouvertes en Italie, en Grèce et à Malte, pour tenter principalement de retrouver les passeurs.
Selon la marine maltaise, le drame s'est déroulé le 10 septembre à 300 milles nautiques (555 km) au sud-est de ses côtes, dans les eaux internationales.
Il n'a été connu que le lendemain, quand un porte-conteneur panaméen, qui transportait déjà 386 migrants secourus d'un autre bateau, a repéré deux Palestiniens dans l'eau et les a conduits en Sicile.
'Epuisés'
Vendredi soir, un autre porte-conteneur a secouru neuf personnes, dont sept ont été transportées dans la nuit par hélicoptère vers le service hospitalier adéquat le plus proche, à La Canée en Crète.
L'une d'entre elles n'a pas survécu, et une fillette de deux ans restait encore mardi dans un état critique. Selon les garde-côtes grecs, les parents de la fillette l'avaient confiée à une jeune Syrienne qui avait un gilet de sauvetage.
Cette Syrienne, ainsi que trois Palestiniens et un Egyptiens, ont pu quitter l'hôpital samedi dans la journée.
"Ils ont passé la nuit de samedi chez nous. Ils étaient épuisés, nous leur avons donné des vêtements, les avons nourris et ils sont repartis dimanche en fin de journée, d'abord au poste de police puis chez un particulier qui a proposé de les héberger", a expliqué à l'AFP Georgios Goniotakis, directeur de la maison de retraite municipale de La Canée.
Sous la pression des crises au Moyen-Orient et en Afrique, l'anarchie qui laisse le champ libre aux passeurs en Libye et la très relative sécurité instaurée par l'opération italienne "Mare Nostrum" ont provoqué une forte hausse des tentatives de traversées, et parallèlement des noyades.
Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 130.000 personnes sont arrivées en Europe - essentiellement en Italie - par la mer depuis le 1er janvier, soit déjà plus de deux fois plus que pendant toute l'année 2013. Et avant les naufrages de ces derniers jours, le HCR comptait déjà 2.200 morts ou disparus depuis juin.
Le commissaire européen aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, s'est dite "choquée" par les témoignages des survivants de cet "incident tragique".
"Nous devons de toute urgence accroître nos efforts pour combattre les activités horribles des trafiquants responsables de la mort de centaines de femmes, d'hommes et d'enfants cherchant à franchir la mer en quête d'une vie meilleure", a-t-elle insisté dans un communiqué.
Il faudra aussi accompagner ces efforts "par une volonté des Etats membres (de l'UE) de créer plus de moyens légaux pour entrer en Europe, comme d'accepter plus de réfugiés", a-t-elle relevé.
Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie, a ainsi rappelé dans le journal La Stampa les titres de presse sur un "été noir" avec la guerre à Gaza, l'Ukraine, la Libye, la Syrie, l'Irak: "Je voudrais ajouter la Méditerranée, les victimes en mer sont un effet de ces mêmes crises".
16 sept 2014, Fanny CARRIER
Source : AFP