Les passeurs ont volontairement embouti le bateau de centaines de migrants qui espéraient gagner l'Italie mais ont disparu en mer la semaine dernière, selon les témoignages concordants des rares rescapés à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
"Après avoir touché notre bateau, ils ont attendu pour être sûrs qu'il coule complètement avant de partir. Ils riaient", a raconté un survivant.
Pour deux Palestiniens de 23 et 25 ans arrivés en Crète, le voyage a commencé dans une "agence" à Gaza, où ils ont versé chacun 2.000 dollars (1.545 euros) - reçus pour reconstruire leur maison après la guerre de cet été - destinés à leur faire gagner l'Italie.
Au point de rendez-vous fixé en Egypte, quatre bus attendaient pour conduire les migrants jusqu'au port de Damiette, près d'Alexandrie, où ils ont embarqué dans un bateau de 15 à 18 mètres qui semblait déjà à moitié plein.
Selon les survivants, le capitaine a compté entre 400 et 450 passagers de plus de 10 ans. Compte tenu du nombre de familles et de mineurs isolés signalés par les survivants, l'OIM estime qu'il pouvait y avoir en plus jusqu'à une centaine d'enfants.
Pendant la traversée, les passeurs ont obligé les migrants à changer trois fois de bateau. Mais, la quatrième fois, le nouveau bateau semblait trop frêle, et les passagers ont refusé.
Les passeurs - une dizaine de Palestiniens et d'Egyptiens qui se tenaient sur un autre bateau - ont alors menacé de ramener tout le monde en Egypte, puis ont commencé à crier et à lancer des morceaux de bois contre les passagers.
Le bateau des passeurs s'est approché, et plusieurs migrants ont réussi à sauter à bord. Mais les passeurs les ont poussés à l'eau et ont ensuite foncé sur l'embarcation des migrants, qui a immédiatement commencé à couler.
Très peu de survivants
Il s'agissait d'un bateau à deux ponts avec, selon les survivants, 300 personnes sur le pont inférieur et 200 personnes sur le pont supérieur. Ceux du pont inférieur se sont retrouvés piégés et sont tous morts noyés.
Selon la marine maltaise, le bateau se trouvait alors à 300 milles nautiques (555 km) au sud-est de Malte.
"Quand le bateau a été touché, l'un des passagers s'est pendu par désespoir", a raconté un survivant.
Un des Palestiniens recueillis en Sicile a survécu grâce à un gilet de sauvetage. Le second a raconté s'être accroché à une bouée avec sept autres personnes, dont un enfant égyptien, qui ont tous succombé à l'épuisement avant qu'un navire panaméen, déjà engagé dans une autre opération de recherches, les repère le jeudi.
Les survivants interrogés en Crète - deux Palestiniens, un Egyptien et une Syrienne de 19 ans - ont pour leur part été récupérés vendredi soir, après avoir survécu en restant accrochés les uns aux autres.
Selon eux, le temps est resté clément mercredi et jeudi, mais vendredi, plusieurs personnes de leur groupe ont lâché prise en raison de la houle et du vent.
Un porte-conteneur a repéré le groupe et secouru neuf personnes, dont sept ont été transportées dans la nuit par hélicoptère vers le service hospitalier adéquat le plus proche, à La Canée en Crète. Une d'entre elles n'a pas survécu, et une fillette de deux ans restait encore mardi dans un état critique.
Selon les garde-côtes grecs, les parents de la fillette l'avaient confiée à la jeune Syrienne parce qu'elle avait un gilet de sauvetage.
Des enquêtes ont été ouvertes en Italie, en Grèce et à Malte, pour tenter principalement de retrouver les passeurs.
16 sept 2014
Source : AFP