Les autorités marocaines semblent avoir mis fin au moratoire sur les expulsions de migrants irréguliers. Elles viennent d’ordonner l’expulsion de 37 personnes vers leur pays d’origine. 18 d’entre elles l’ont rejoint effectivement et 19 autres sont dans le pipe à Casablanca. Les nouveaux expulsés s’ajouteront donc aux 19 Subsahariens qui ont été éloignés dernièrement suite aux évènements survenus au quartier Boukhalef dans la capitale du Détroit.
Selon le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), il s’agit de deux groupes distincts arrêtés pour tentative de passage illégal vers l’Europe. « Le premier groupe constitué de 18 personnes en majorité sénégalaises a été renvoyé vers son pays d’origine lundi et mardi derniers sans être présenté au tribunal », nous a déclaré Stéphane Julinet, chargé du Programme droit des étrangers et plaidoyer au GADEM avant de préciser que « le deuxième groupe composé de 17 personnes (15 hommes et 2 femmes) de nationalités sénégalaise, camerounaise et autres qui a été rejoint par deux autres personnes arrêtées dernièrement, attend toujours d’être fixé sur son sort. En effet, ces 17 individus ont été présentés mardi dernier devant le tribunal et ont fait l'objet d'une tentative de transfert à Casablanca en vue de leur expulsion du territoire national. Une opération qui n’a été interrompue que provisoirement suite à l’intervention de la Commission régionale des droits de l'Homme (CRDH) de Tanger auprès des autorités puisque les 17 migrants ont été transférés de nouveau vers l'aéroport Mohammed V pour une nouvelle tentative d’expulsion».
Pour le GADEM, ces expulsions n’augurent rien de bon puisqu’elles sont menées en violation des lois et procédures en vigueur. Cette association qui milite pour la défense des droits des migrants au Maroc a constaté que les personnes expulsées ont été présentées à la justice sans bénéficier du droit de se faire assister par des interprètes ou par des avocats et qu’elles n’ont pas bénéficié de leur droit de recours alors qu’elles disposaient légalement d'un délai de 10 jours pour faire appel.
Pis, le GADEM considère que la décision d’expulsion de ces migrants est disproportionnée par rapport au délit d’immigration illégale dont elles sont accusées et qui est puni d’incarcération et d'amende et nullement d’expulsion du territoire. En effet, la loi 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières punit d’«une amende de 3.000 à 10.000 DH et d'un emprisonnement d’un à six mois, ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui quitte le territoire marocain d'une façon clandestine ». Les militants du GADEM se demandent donc comment un juge peut condamner des personnes à une peine qui n'existe pas dans la loi, en ajoutant que le seul délit qui peut être accessoirement puni d’interdiction du territoire (article 45 de la loi 02-03) n’est autre que la soustraction volontaire à l'exécution d'une décision (administrative) de reconduite à la frontière (pour séjour irrégulier) ou d'expulsion (pour menace grave à l'ordre public).
D’après Stéphane Julinet, ces expulsions suscitent moult questions. D’autant qu’elles interviennent à quelques jours de la célébration du premier anniversaire de la mise en place de la nouvelle politique de migration au Maroc. «On se demande à quoi joue le ministère de l’Intérieur, lui, qui s’est engagé à mettre fin aux rafles et aux expulsions groupées. Est-ce la fin du moratoire ? On ne sait pas», s’est-il interrogé avant de poursuivre que «les moyens financiers mobilisés pour effectuer ces opérations d’expulsion appellent également plusieurs interrogations. Ces opérations coûtent de l’argent et on se demande où l’Etat va le chercher?», a-t-il conclu.
20 Septembre 2014, Hassan Bentaleb
Source : Libération