Le CNA présente «Vía PanAm», une exposition multimédia sur les migrations du photographe Kadir van Lohuizen. Un travail de photojournalisme aussi beau qu'effrayant.
Il n'y a pas que la photographie d'art qui a droit à sa juste exposition. Le Centre national de l'audiovisuel de Dudelange le rappelle en ce moment avec l'exposition «Vía PanAm - The Pursuit of Happiness» de Kadir van Lohuizen. Un témoignage poignant sur la migration sur le continent américain.
De Puerto Toro au Colville River Delta. Ce ne sont pas moins de 40 000 kilomètres qu'a parcouru pendant une année le photojournaliste néerlandais Kadir van Lohuizen. Un sacré voyage de l'extrême sud du continent américain, en Terre de Feu, à l'extrême nord, en Alaska, pour parler de migration et, à travers les histoires des gens rencontrés tout au long du parcours, «jeter un coup d'œil et analyser ces migrations contemporaines». «J'avais mes idées préconçues sur la migration, explique l'artiste. J'ai d'ailleurs réalisé ce voyage du sud vers le nord parce que je pense qu'en général, la plupart de ces migrations se font dans ce sens. Mais dès les premières semaines, j'ai compris que c'était désormais une idée erronée. Il y a toujours des gens d'Amérique du Sud qui tentent de partir aux États-Unis, mais pas autant que par le passé; parce que les lois sur l'immigration sont plus strictes, parce que le voyage coûte cher et est dangereux, mais aussi parce que les situations économiques des pays d'Amérique latine s'améliorent.»
Au Pomhouse du CNA, ce sont 73 photos digitales sur tissu qui sont présentées, illustrant 18 des 35 récits de migration que Kadir van Lohuizen a élaborés au long de son périple. Le visiteur peut ainsi découvrir la vie à la frontière entre le Pérou et la Bolivie, où de nombreux migrants travaillent dans des mines d'or illégales, la survie dans la prison de Quetzalpeque au Salvador avec ses problèmes de gangs où encore le quotidien à Deadhorse en Alaska, où de nombreux migrants vont tenter leur chance auprès des riches compagnies pétrolières.
L'art n'est jamais bien loin
Pour chaque série, un petit texte vient expliquer les clichés. «La hausse du "métal du soleil" a provoqué une nouvelle fièvre de l'or et attire de nombreux migrants», apprend-on sur les mines d'or péruviennes; «seul endroit habité, avec ses 10 résidents permanents, sur une distance de 800 km», découvre-t-on sur Coldfoot en Alaska.
Souvent en noir et blanc, mais sans pour autant délaisser la couleur, Kadir van Lohuizen propose donc un travail de photojournalisme aussi fort que beau. Car s'il n'hésite pas à photographier la vie quotidienne, la crasse voire la misère (entre autres dans les prisons ou le long des frontières), il propose également de nombreux clichés travaillés, maîtrisés et d'une grande beauté. Que ce soit dans ces paysages lunaires du Salar d'Uyuni en Bolivie, avec sa couche de sel d'une épaisseur d'au moins 130 mètres, dans l'univers fantomatique d'une ville abandonnée du désert d'Atacama au Chili ou encore dans ces gros plans sur une main de mineur présentant des pépites d'or, il rappelle qu'en photo, même dans ce que l'on appelle le photojournalisme, l'art n'est jamais bien loin.
La scénographie de cette expo le rappelle également, avec ces photos accrochées telles des rideaux tombant du plafond, rappelant un rideau de théâtre qui cache, dans le fond de la salle, ce que l'artiste lui-même considère comme le cœur de l'exposition : quatre écrans géants sur lesquels est projeté un film de 52 minutes retraçant les principaux points de ce périple. L'exposition se poursuit, ensuite, au Display01, sorte d'arrière scène de ce «Vía PanAm», où est présentée la démarche de l'artiste et où le visiteur peut plonger, à travers des iPad, dans l'application créée pour ce projet.
2014-09-30, Pablo Chimienti
Source : lequotidien.lu