Au congrès du Parti conservateur, on croise des gentlemen avec l'Union Jack en pochette à leur costume. Pas l'ombre d'un drapeau européen, naturellement, bien que le sujet soit dans toutes les têtes. Après les défections de deux députés tory pour l'Ukip (United Kingdom Independence Party), un ancien maire-adjoint de Londres et un généreux donateur du Parti conservateur leur ont emboîté le pas, mardi et mercredi. «Rejoignez l'Ukip», provoquait même une banderole brandie par un militant du parti europhobe, juste devant le palais des congrès de Birmingham où se tenait la grand-messe conservatrice.
«Les conservateurs n'ont pas réussi à trouver paix et discipline sur l'Europe et sont dépassés par l'Ukip, constate Matthew Goodwin, spécialiste de l'extrême droite britannique. Ils se montrent incapables de gérer une insurrection radicale sur leur droite». Entre le spectre d'un schisme ou l'option d'une alliance avec l'ennemi, les troupes se déchirent. Le premier ministre, David Cameron, sait devoir livrer une «double bataille» pour les élections législatives de mai. Contre le Labour, à gauche, et, sur sa droite, contre l'Ukip qui menace de lui coûter ses chances de réélection. «Le 7 mai, vous pouvez aller au lit avec Nigel Farage(le leader de l'Ukip, NDLR) et vous réveiller le lendemain avec Ed Miliband» (le chef du Labour, NDLR), prévient-il.
Galvanisés par le référendum
En conséquence, aussi inéluctable que la dérive des continents, l'obsession anti-européenne des conservateurs ne cesse de grandir. Cameron a donné le ton, en avouant mardi avoir été «mille fois plus préoccupé» par le risque que l'Écosse quitte le Royaume-Uni, plutôt que par l'éventualité d'une sortie de son pays de l'Union européenne. Galvanisés par sa promesse d'un référendum sur l'Europe en 2017, militants et élus conservateurs en oublieraient presque la nécessité préalable de gagner les élections de 2015. «Je ne suis pas sûr qu'un référendum sur l'Europe soit en tête des priorités des électeurs. Et les gens n'ont aucune clarté sur les changements que nous voulons obtenir de l'Union européenne», déplore Geoffrey Van Orden, député européen conservateur modéré.
S'il n'a jamais précisé la liste de ses revendications, David Cameron a annoncé mercredi à Birmingham qu'il ferait de la fin de la liberté de circulation en Europe le «cœur» de sa «stratégie de renégociation». Ce n'est pas un hasard si c'est l'un des arguments clés de l'Ukip contre l'UE. «Nous déportons des femmes enceintes néo-zélandaises mais nous sommes obligés de laisser entrer les meurtriers de Riga», gronde le député conservateur Jacob Rees-Mogg, dans une rhétorique proche de celle de l'Ukip. S'il nie être le prochain à faire défection, l'élu reconnaît n'être «pas hostile» au parti souverainiste. Il plaide même pour un pacte électoral, quitte à ce que Nigel Farage devienne vice-premier ministre de Cameron. Faute de réforme satisfaisante de l'Union, Jacob Rees-Mogg jure n'avoir «pas peur de quitter l'Europe». Au contraire, banalisée, loin d'un tabou, l'idée d'un «Brexit», est devenue séduisante pour nombre de conservateurs. Le maire de Londres, Boris Johnson, le ministre des Affaires étrangères, Philip Hammond, et même désormais David Cameron laissent entendre qu'ils voteront pour quitter l'UE en 2017, en cas d'échec des négociations avec Bruxelles.
2oct2014, Florentin Collomp
Source : Le Figaro