La secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, Nadine Morano, a déclaré, lundi soir 14 décembre, vouloir du jeune musulman français "qu'il ne parle pas verlan", lors d'un débat sur l'identité nationale à Charmes (Vosges). "Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c'est qu'il aime son pays, c'est qu'il trouve un travail, c'est qu'il ne parle pas le verlan, qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers", a expliqué la secrétaire d'Etat à un jeune homme qui l'interrogeait sur la compatibilité de l'islam avec la République.
La commune vosgienne avait été choisie par l'organisateur de la soirée, le député (UMP) Jean-Jacques Gaultier, parce qu'elle est la ville natale de l'écrivain nationaliste et antidreyfusard Maurice Barrès, référence suscitant la polémique. Une cinquantaine de militants du NPA, Parti de gauche ou Verts ont ainsi manifesté devant la mairie pour protester contre cet hommage à l'écrivain lorrain. Lors du débat, le président de l'association locale Mémoire de Barrès, invité comme "grand témoin" à la soirée, a exalté la pensée de l'auteur lorrain, assurant notamment que "la patrie est plus forte dans l'âme d'un enraciné que dans celle d'un déraciné", ou défendant le "nationalisme de Barrès" par opposition au "cosmopolitisme".
"C'est très grave, parce que cela confirme le regard caricatural de plusieurs membres du gouvernement sur la jeunesse de ce pays, avec des amalgames invraisemblables sur les jeunes musulmans", a déclaré le porte-parole du parti socialiste, Benoît Hamon. SOS Racisme a qualifié ces propos d'"abjects" et appelé le premier ministre François Fillon à "enjoindre ses ministres de cesser de tenir des propos stigmatisants".
"Après le voile et la burqa, haro sur les casquettes ! Comme nous l'avions redouté, le débat sur l'identité nationale dérape", affirme dans un communiqué Djamila Sonzogni, porte-parole des Verts. "Le ton est donné, le gouvernement persiste à confondre religion et nationalité" et "la religion musulmane est clairement pointée comme posant un problème", ajoute-t-elle. "Charters pour les afghans, dérapages successifs racistes et islamophobes... Le gouvernement y va fort pour récupérer les voix de l'extrême droite à quelques mois des élections régionales", souligne le communiqué. Pour les Verts, "ce jeu peut s'avérer très dangereux pour la cohésion sociale" et aussi "pour le gouvernement, qui prend le risque que cette manoeuvre lui revienne dans la figure comme un boomerang par une remontée spectaculaire du Front National".
Mme Morano a estimé, mardi, que sa phrase avait été "complètement sortie de son contexte", et a mis en ligne la vidéo du débat (ci-dessous). "Nous parlions de la problématique des jeunes qui viennent des banlieues, dont je viens et dont je suis issue, et je disais qu'avec cette caricature, cette stigmatisation qu'il y avait, moi, je leur conseillais, non seulement de ne pas porter leur casquette de travers, de ne pas parler verlan, mais j'expliquais aussi (qu'il fallait) que l'on utilise le potentiel de la double culture", a plaidé Mme Morano sur la radio RMC.
Selon un sondage de l'Observatoire de l'opinion LH2 pour Nouvelobs.com révélé lundi, seulement 40 % des Français considèrent que le débat sur l'identité nationale souhaité par le Nicolas Sarkozy est "tout à fait" ou "plutôt nécessaire" et, de façon plus tranchée, 42 % des personnes interrogées jugent qu'il a pris une tournure "plutôt négative". Sur la nécessité du débat, seules 14 % des personnes interrogées considèrent que ce débat est "tout à fait nécessaire".
Source : Le Monde