À l’issue d’une conférence à Khartoum et avant une autre à Rome, Européens et Africains se disent désireux de lutter ensemble contre les trafiquants d'êtres humains.
Il est possible que l’Afrique et l’Europe n’entendent pas la même chose lorsqu’il est question de lutter contre les trafiquants d’êtres humains, mais les deux continents semblent également désireux de parvenir aux mêmes résultats. Le trafic des êtres humains, qui implique aussi celui des organes, est pour l’Union africaine (UA) une plaie et une honte absolue. Pour ce qui la concerne, l’Union européenne (UE) cherche avant tout les moyens de faire face à l’afflux des clandestins sur son territoire. Passeurs ou trafiquants, de véritables gangs se sont installés dans des pays du pourtour méditerranéen pour faire passer en Europe des désespérés venant des quatre coins de la planète. Et à payer la traversée, en argent ou en nature.
Une conférence sur le renforcement de la lutte contre le trafic des êtres humains s’est tenue cette semaine à Khartoum, capitale du Soudan. Représentants de l’Union africaine, de l’Union européenne et des deux agences de l’ONU impliquées, l’Organisation internationale des migrations (OIM) et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), ont réaffirmé le besoin d’efforts concertés pour venir à bout de la prospère et criminelle économie qui gangrène le phénomène. Lutter contre l’immigration clandestine, objectif prioritaire pour l’Europe, passe par l’assèchement des réseaux qui l’alimentent et qui sont tenus par de mafias véritables, pour reprendre le propos d’un officiel égyptien.
Le ministre soudanais de l’Intérieur, Rokon Essmat Abdulrahman, a fait part des efforts de son pays dans cette lutte. Il a affirmé que le Soudan cherchait à démanteler les camps de réfugiés improvisés le long de sa frontière afin de mieux les contrôler « en fournissant le nécessaire aux réfugiés ». Possible. Le fait est qu’avec l’immigration africaine, les mots ne sont pas toujours ce qu’ils semblent. Parce que chaque pays n’accorde pas le même qualificatif à des termes comme clandestins ou réfugiés.
Car la présence de réfugiés indique toujours une situation de douleurs dans les pays de provenance. Et dans les pays d’installation transitoire ou définitive, cette donnée peut être une cause d’accélération ou de blocage pour eux. Ainsi, lorsque le Soudan indique sa volonté de mieux contrôler sa « frontière est », il sous-entend que ceux à qui il accorde un abri provisoire sont les originaires de trois de ses voisins avec lesquels il n’entretient pas les meilleurs rapports : le Kenya, l’Ethiopie et surtout le Sud-Soudan, le « frère-ennemi ». Pourtant, les flux des migrants incluent chaque année des dizaines de milliers de Soudanais aussi. Ils ne peuvent être des réfugiés chez eux !
Présent à la conférence de Khartoum le vice-ministre italien des Affaires étrangères, Lapo Pistelli, a estimé que « aujourd’hui à Khartoum nous (Union européenne – Ndlr) avons fait un saut de qualité majeur dans les relations avec les pays africains pour une coopération renforcée et plus efficace dans la lutte contre le trafic des êtres humains en Méditerranée et contre l’immigration irrégulière ». Venant d’un pays qui est le principal point de passage ou de destination des migrants clandestins, M. Pistelli a annoncé que le « Processus de Khartoum » prendra effet à partir de la conférence du 28 novembre prochain à Rome.
La conférence, a-t-il indiqué, rassemblera les représentants des pays de provenance et de transit de ce qui est appelé « la Horn of Africa Migatory Route » (la route migratoire de la Corne de l’Afrique) en direction de l’Europe. Lui aussi a fait part des efforts de son pays dans le vaste chantier de démantèlement du trafic. L’opération de vigilance maritime en Méditerranée Mare nostrum, a-t-il dit, a permis de sauver de la noyade quelques 100.000 clandestins mais aussi l’arrestation de 500 passeurs. « Let's be brave, let's go together: soyons courageux, engageons-nous ensemble », a-t-il lancé en anglais.
16 Octobre 2014, Lucien Mpama
Source : adiac-congo