Calais : des centaines de migrants ont pris d'assaut la zone portuaire
Calais semble au bord de l'explosion. La mèche allumée depuis des mois avec l'afflux exponentiel des clandestins dans la ville (1.500 selon les autorités préfectorales, 3.000 selon la police) semble aujourd'hui enflammer ce qui est devenu une véritable poudrière. Lundi et mardi, une série d'affrontements opposant les migrants entre eux et aux forces de l'ordre, et la mort d'une adolescente de 16 ans, ont encore fait monter la pression.
Lundi après-midi, vers 15 heures, la ville portuaire a vécu une énième intrusion massive de migrants qui ont pris d'assaut les camions pour tenter de rejoindre «l'eldorado anglais». Trois cents à quatre cents clandestins se sont rués sur une file de poids-lourds s'étirant sur deux kilomètres, selon le même modus operandi qui, depuis l'été dernier, consiste à profiter des ralentissements de camions sur la rocade desservant la zone portuaire pour sauter à leur bord.
Dépassés par les événements, les 180 CRS, déjà dépêchés en renfort dans le Calaisis ces dernières semaines, ont dû appeler à l'aide les forces de la Police aux frontières, du commissariat de Calais mais aussi de Boulogne-sur-Mer, soit entre «60 et 70 hommes» supplémentaires, témoignait mardi un policier. L'utilisation de gaz lacrymogènes a été nécessaire pour disperser ces réfugiés venus d'Afrique de l'Est mais aussi de Syrie, d'Afghanistan ou encore d'Irak. Les forces de sécurité n'y avaient eu recours qu'une seule fois jusque-là, en septembre, lors d'une intrusion dans le port où les migrants avaient tenté d'arracher les hautes clôtures barbelées.
«Une bataille rangée de jets de pierre et coups de bâton»
Lundi après-midi, la grande majorité de migrants «a été repoussée» vers le camp «Tioxide», nouvelle «jungle» de plus de 500 personnes réinstallée, depuis les démantèlements successifs de mai et juillet derniers, sur un site industriel toujours en activité, près de la rocade. «Pas mal ont cependant réussi à rester dans les camions et certains sont passés outre-Manche malgré les contrôles, comme d'habitude», déplore un officier de police.
Mais plus tard dans la soirée, alors que la situation était revenue sous contrôle, la zone d'accès au port s'est de nouveau enflammée. Vers 22 heures, un affrontement entre le camp des Érythréens et le camp des Éthiopiens à cause d'«un différend pour vol», explique une source policière, a donné lieu à «une bataille rangée de jets de pierre et coups de bâton», occasionnant «un chaos» digne «d'une scène de guérilla», raconte un témoin. Bis repetita: gaz lacrymogènes, appel au renfort des CRS. La bagarre a fait une dizaine de victimes parmi les migrants, aucune parmi les policiers. Les blessés ont été conduits à l'hôpital de Calais. Rebelote à 23 heures, au même endroit. Cette fois, les projectiles visent les policiers. Un homme est interpellé, armé d'un bâton avec une pointe acérée. Poursuivi pour «violence en réunion avec arme par destination», il est relâché au petit matin pour une «carence d'interprétation», faute de traducteur français… Une autre rixe éclate à 2 heures du matin, près d'une station service, sans doute nourrie «par l'interpellation de l'un des leurs», avance un fonctionnaire de la préfecture du Pas-de-Calais.
Mais les tensions ne s'arrêtent pas là. Mardi au petit matin, vers 4 ou 5 heures, sur l'autoroute A 16, près de Calais, une jeune migrante est tuée, accidentellement. Selon les habitudes des clandestins, qui se déplacent par grappes et traversent nuit et jour les voies de circulation très fréquentées, l'adolescente de 16 ans, marchait aux côtés de plusieurs compagnons d'infortune quand elle a traversé l'autoroute, au niveau de Marck, dans l'agglomération de Calais. Un véhicule l'a percutée de plein fouet. L'automobiliste, indemne, tente aussitôt de se garer pour aller lui porter secours. Mais, contre toute attente, il y «renonce», explique un policier, car le groupe de migrants a «fondu sur sa voiture» et il «s'est réfugié au commissariat».
Les tensions ont continué à monter mardi dans la journée. Vers 15 heures, une autre «bagarre entre ethnies» près des campements de migrants est signalée par une source policière. 150 à 200 clandestins se sont à nouveau affrontés à coups de pierres et de bâtons et ont été séparés par les CRS. Bilan de cette rixe: 10 blessés.
Face à ces derniers événements qui entraînent encore un peu plus profondément riverains et forces de l'ordre dans «l'enfer de la pression migratoire», s'alarme Henri, un habitant, les autorités n'ont pas fait de déclaration. Silence radio du côté du ministère de l'Intérieur, pas de mesure prévue par la préfecture du Pas-de-Calais qui juge être «déjà dans un dispositif particulier» depuis des semaines.
21/10/2014, Delphine de Mallevoüe
Source : Le Figaro