Abdelhamid, Abdellah, Hamidou et les autres, tous des marocains qui ont fait le choix, parfois difficile, de vivre loin de leur mère patrie, de leur famille et de tout ce qui représente leurs racines. Arrivés en Autriche dans des circonstances différentes, ils partagent tous la même envie de pouvoir un jour retourner au pays sans pour autant se brûler les ailes.
Péniblement mais courageusement, chacun d'entre eux a fait son chemin avec toujours cette rage de réussir propre d'ailleurs à tous les marocains où qu'ils soient, dans leur pays ou dans le monde. En quelques années, ils ont pu s'intégrer dans la société autrichienne et ce, malgré les différences dans le mode de vie et la culture. Et en dépit aussi, de la précarité de leur statut d'immigré n'ayant au départ que leur diplôme en poche et très peu de ressources.
Mais comme au tout début d'une aventure - car il s'agit bien là d'une aventure puisque l'Autriche dans années 80 et 90 était très peu connue et prisée des marocains- il faut bien s'adapter, surmonter les difficultés pour pouvoir construire son avenir. Pour la plupart d'entre eux, ce fut un parcours parsemé d'embûches qui a contraint certains parmi eux à se diriger vers d'autres pays, principalement l'Italie, le temps de se reconstruire.
C'est le cas de Abdelhamid Lahmami, ce casablancais venu en Autriche avec seulement en guise d'arguments une licence en Biologie animale mais une bonne maîtrise de la langue allemande, à une époque où le nombre des marocains ne dépassait guère les 200 expatriés. Dans ses débuts, il a écumé les petits boulots avant de créer plus tard, non sans peine, une société de sous-traitance dans le domaine de l'industrie métallurgique. Malgré ses occupations professionnelles et ses responsabilités familiales, il trouve toujours le temps de mettre son énergie au service de la communauté marocaine en Autriche. Ainsi, il a, dans un premier temps, contribué à la création en 2011 d'une association 'Union d'Amitié des Marocains en Autriche'', avant de prendre part deux années plus tard à la naissance d'une autre association pour le développement du partenariat entre le Maroc et l'Autriche 'Osterreichisch-Marokkanische Gesellschaft'' dont il est le vice-président. Seul Bémol, cette jeune association peine encore à fédérer tous les marocains malgré leur nombre très réduit, seulement 2000 personnes résidant principalement à Vienne et ce, en raison de l'existence de divergences de vue sur la démarche à suivre. Mais, pour M. Lahmami, la prochaine assemblée générale de l'association prévue en novembre prochain, tentera de transcender les dissensions pour aboutir à une vision commune.
Evoquant son choix de s'installer en Autriche, ce quadra, père de deux filles, Sara et Dounia, raconte qu'il a posé le premier pas à Vienne un jour de décembre 1993, il a eu le sentiment que quelque chose dans Vienne l'attire. Des Années plus tard, plus de 20 ans, il réussit à forcer le destin en réalisant un parcours sans faute jusqu'à devenir son propre chef après avoir pendant les années de vaches maigres trimé comme un forçat pour les autres en Autriche et pendant plus de cinq en Italie.
Un pari relevé à la sueur du front et à force d'obstination et de rigueur dans le travail. Chose que son ami et l'ami de tout le monde tellement il est sympathique, Abdellah Zamzam qui est également un lauréat de la Faculté des Sciences à Ben Msik-Casablanca (Physique-Chimie). Dans ses débuts, il a connu des années de bonheur et de prospérité avant de retourner au pays où il y est resté plus de cinq ans au chevet de son père mourant.
De retour en Autriche il y a de cela à peine un mois, il essaie non sans peine de retrouver sa situation sociale d'avant. Aucunement découragé par sa son infortune d'aujourd'hui, Abdellah, appelé par son cercle d'ami Idriss en raison de ses origines généalogiques, fier descendant des B'hala dans les environs de Settat, ne compte pas vivre de petits boulots et des allocations dues à son statut de porteur de la nationalité autrichienne.
Signe d'espoir, ses démarches auprès de l'office autrichien de l'emploi ne seront pas vaines pour longtemps puisqu'il vient d'être convoqué pour un poste de travail dans la ville d'Innsbruck.
Mais si ce fils d'un valeureux résistant, My Ali Ben Bahloul, a vécu des hauts et des bas, ce n'est pas le cas de Mohamed Khaider, alias Hamidou, un banquier chargé de gérer les comptes des représentations diplomatiques et des organisations internationales au sein du premier groupe bancaire autrichien. Ce Fassi de souche réside depuis plus de 30 ans en Autriche où il a débarqué avec seulement dans ses bagages une licence en Sociologie. Dans sa banque, il a lui aussi connu la précarité mais de fil en aiguille, il a pu gravir les échelons pour devenir ce qu'il est aujourd'hui. Un cadre supérieur très apprécié par ses collègues et le cercle fermé des diplomates, pour sa rigueur et son extrême affabilité. Mais ce qui force le respect chez ce "self-made-man", c'est sa capacité à trouver le temps pour faire d'autres choses que le métier de banquier malgré les contraintes des horaires et ses responsabilités prenantes.
Il a, à ce propos, animé pendant dix ans une émission dans une Radio Libre 'Orange'' dont il a été le co-fondateur. Il est aussi très actif sur le registre de la diplomatie parallèle au vu de son carnet d'adresses et ses contacts permanents avec les diplomates de toutes les nationalités, défendant toujours les intérêts de son pays que sa nationalité autrichienne ne l'empêche pas d'aimer avec ferveur. A l'entendre raconter avec tendresse ses souvenances au Maroc, particulièrement à Fès et à Kenitra, on est d'emblée frappé par la sincérité de ses sentiments et son patriotisme. Mais il avoue qu'il est parfois très difficile de concilier entre deux cultures diamétralement opposées. Néanmoins, au bout de 33 ans, Mohamed Khaider, le plus viennois des marocains, est parvenu au juste équilibre, trouvant toujours le temps pour faire ce qui lui plaît mais ce qui étonne le plus chez ce banquier, élégant dans la contenance et les mots, c'est sa passion pour la Basse. Un batteur confirmé qui impressionne par la beauté du geste et l'extraordinaire maîtrise du rythme.
Abdelhamid, Abdellah, Hamidou, trois marocains, des destins différents, une intégration parfaite au pays de la valse mais tous ont en commun cette envie incommensurable de servir leur pays, chacun à sa façon et selon sa position. Ils ont tous cette ambition de servir le dialogue entre les peuples, dissiper les mésententes et contrer le choc des civilisations. Abdellah Zamzam résume tout cela en un seul mot 'Akhi'' (mon frère) qu'il emploie à chaque fois qu'il adresse la parole à son interlocuteur autrichien ou tout autre personne d'une autre nationalité.
27 oct. 2014, Rachid Sami
Source : MAP