"Voleuses de maris", "prostituées"...sont entre autres les étiquettes attribuées aux femmes marocaines vivant dans les pays du Golfe. Pourtant, beaucoup y gagnent dignement leur vie, selon une enquête présentée au colloque "Marocaines d'ici d'ailleurs".
"Marocaine" dans les pays du Golfe, n'est pas une "nationalité" mais plutôt un "métier": la prostitution...Du moins, aux yeux des habitants de cette partie du monde et pis encore aux yeux des Marocains".
Cette assertion est celle d'Imane Bentaout, une jeune cadre supérieure marocaine travaillant à Dubaï. Elle a mené une enquête auprès d'une centaine de Marocaines vivant dans cette région, présentée à la deuxième édition de la rencontre Marocaines d'ici & d'ailleurs, tenue à Marrakech, les 18 et 19 décembre.
Il ressort de cette étude que les autochtones et la presse du Golfe, ont une très mauvaise image de la femme marocaine. Une image qui peut être résumée en ces termes selon Imane : "prostituées, voleuses de maris... ".
Une situation malheureusement bien réelle, déplore-t-elle.
Certes la prostitution...
A l'en croire, beaucoup de jeunes filles marocaines émigrent dans le Golfe sur la base de contrats de travail qui les introduisent dans des réseaux de trafic. Ces réseaux mafieux, troquent ces contrats de travail contre des services de nuit que sont contraintes d'accepter les jeunes filles une fois sur place, qui se retrouvent endettées et dépendantes envers ces réseaux. Ces derniers peuvent alors faire pression sur elles et leurs familles. Impuissantes, celles-ci se plient à leur demande et de fait, deviennent des prostituées.
Cependant, l'enquête reconnaît aussi que des Marocaines partent dans les pays du Golfe dans la seule optique de se livrer à la prostitution. Toutefois, souligne Imane, cette réalité n'est que la résultante de leur vulnérabilité ici même au Maroc, où elles sont victimes de pauvreté entre autres.
...Mais pas que
Imane souligne, néanmoins, qu'il est déplorable que la prostitution soit le seul aspect connu et visible concernant les Marocaines du Golfe. Un fait, mais aussi un cliché que la presse marocaine ne cesse de perpétuer selon Imane, au point que ces Marocaines, une fois dans leur pays, ont honte de dire qu'elles travaillent dans les Emirats, de peur d'être traitées de prostituées...
Des prostituées marocaines dans le Golfe, il y en a mais pas seulement. Selon l'enquête menée par Imane, 39% des femmes marocaines interrogées ont un Bac+5 contre 28% qui n'ont pas le niveau du Bac.
Dans un documentaire diffusé, lors d'un atelier de la deuxième édition de la rencontre des Marocaines d'ici & d'ailleurs, Imane Bentaouet, montre des Marocaines cadres dans des grandes entreprises à Dubaï. L'une d'entre elles, cadre dans une société spécialisée en finances, déplore le fait de réduire la Marocaine à Dubaï à une prostituée:
" Avec l'image que les gens d'ici ont de nous, nous femmes marocaines sommes tenues de travailler deux fois plus que les autres pour montrer que loin d'être venues pour la prostitution, nous sommes là dans la seule optique de gagner dignement notre vie".
Une Marocaine, cadre à Dubaï
Cette jeune marocaine n'est pas un cas unique, beaucoup d'autres travaillent dans des entreprises, loin de la spirale de la prostitution. C'est la raison pour laquelle, cette dernière, appelle d'ailleurs les médias marocains à se déplacer dans les différents pays du Golfe, pour constater par eux-mêmes, et corriger une image trop déformée.
Mais en attendant, que faudrait-il faire pour résorber le phénomène de la prostitution des Marocaines dans les pays du Golfe? De l'avis de Soumiya, une parlementaire marocaine, "il y a un besoin de statistiques claires sur la prostitution de nos compatriotes dans cette région qui serviraient de base pour une prise de décision ".
...Une proposition que Aïcha Echenna, présidente de l'association Solidarité Féminine balaie du revers de la main : "le gouvernement ne pourra pas faire grand-chose contre ce phénomène puisqu'il a des intérêts économiques dans les pays du Golfe, l'action doit venir de la société civile".
Un manque d'études...
Une autre parlementaire suggère qu'ensemble, le ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger, le ministère des Affaires étrangères, ainsi que la société civile, forment une cellule pour mener une véritable étude en vue de faire face au phénomène et surtout aux réseaux de trafic de jeunes filles vers le Moyen-Orient.
Car hormis l'enquête d'Imane Bentaout, il n'existe pas d'études sur la situation des femmes marocaines dans les pays du Golfe. Ce qui est d'ailleurs valable également pour les autres pays d'accueil d'émigrées marocaines.
A l'issue du colloque "Marocaines d'ici & d'ailleurs", Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) a déclaré: "plusieurs pistes ont été dégagées pour mener des études sur les différentes situations auxquelles sont confrontées les Marocains à l'étranger".
Il a également affirmé que "le Roi a donné son approbation pour la création d'un Fonds public-privé, afin de mener à bien ces études qui aideront beaucoup
Source : Aufait