Rome temporise. A la veille du lancement, au 1er novembre, du dispositif Triton piloté par l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex, la confusion règne encore sur l’avenir de l’opération Mare Nostrum, plus d’un an après son lancement en Italie. Passage de relais ou non ? Face aux objections du gouvernement Cameron , qui a annoncé, lundi, le retrait de son soutien à Triton, en dénonçant les effets pervers de ces opérations créant un « facteur d’attraction involontaire », Rome laisse encore planer le doute sur le calendrier de suspension de Mare Nostrum.
Alors que le président du Conseil, Matteo Renzi, s’est engagé à maintenir l’opération militaro-humanitaire jusqu’à sa substitution complète par un effort comparable de l’Union européenne, son ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano (Nouveau Centre droit), ne cache pas son impatience de suspendre le dispositif conçu comme « opération d’urgence ».
« J’ai toujours dit que Mare Nostrum ne fêterait pas son deuxième anniversaire […]. L’Europe doit descendre en mer avec des modalités différentes, c’est-à-dire une opération de Frontex qui veillera à la frontière de Schengen à 30 miles des côtes italiennes », a déclaré Angelino Alfano à Palerme. Sans fixer de date, il n’a pas caché que l’objectif du gouvernement italien est de « terminer au plus tôt » l’opération Mare Nostrum lancée au lendemain du drame de Lampedusa qui avait coûté la vie à 366 personnes. L’opération permis de secourir quelque 144.000 migrants en un an, outre l’arrestation de quelque 500 intermédiaires. En revanche, 499 cadavres de migrants ont été récupérés, sans compter les 1.446 disparus. « Mare Nostrum ne sera jamais abandonné tant qu’il n’y aura pas un engagement, au moins égal et si possible supérieur de l’Union européenne », avait assuré Matteo Renzi, de son côté, le 3 octobre, à Bologne. Toute la difficulté reste de savoir dans quelle mesure le dispositif Triton (avec un budget mensuel de 2,9 millions d’euros) pourra effectivement prendre le relais du dispositif Mare Nostrum, dont le coût est évalué à 100 millions d’euros par an.
La mise au point du ministre de l’Intérieur intervient au lendemain des déclarations critiques de l’amiral Filippo Maria Foffi, commandant en chef de la flotte italienne et premier responsable de l’opération Mare Nostrum, à Bruxelles. « L’Union européenne n’a pas réagi pendant un an au fait que l’Italie gérait pratiquement seule la situation à travers Mare Nostrum […]. Après un an où nous avons agi seuls avec l’aide d’un navire slovène, je suis heureux de voir que l’UE va prendre ses responsabilités. » Mais il ne cache pas que les résultats dépendent encore de la volonté de collaborer de tous les Etats membres et des moyens mis à disposition.
29/10/2014, Pierre de Gasquet
Source : lesechos.fr