mardi 5 novembre 2024 03:24

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Jamais les "electores" hispaniques n'ont autant compté aux Etats-Unis

La liste de Ricardo Martinez n'inclut que des citoyens américains hispaniques. Six jours par semaine, huit heures par jour, il frappe à leurs portes pour les exhorter, en espagnol, à voter aux élections au Congrès.

L'électeur latino est précieux, en période électorale.

Dans cette banlieue de Denver comme dans le reste du Colorado et de l'ouest des Etats-Unis, les hispaniques sont le groupe démographique en plus forte croissance. Un habitant du Colorado sur cinq, et un électeur sur sept, est hispanique. Leur nombre a augmenté de 40% depuis 2000. Ils sont 25,2 millions aux Etats-Unis, selon Pew.

Mais leur participation électorale est la plus faible de toutes les communautés ethniques. Moins d'un sur trois est allé voter aux législatives de 2010-- contre 57% des blancs.

La mission de Ricardo, rémunéré par l'organisation Mi Familia Vota, est d'augmenter ce chiffre pour forcer les partis à écouter les doléances de la communauté.

"Les hispaniques peuvent faire changer les choses dans ce pays, mais beaucoup ne savent pas qu'il y a une élection bientôt", dit-il, en marchant à toute vitesse entre deux maisons. "Parler en espagnol, ça crée un lien", ajoute le jeune homme.

Ricardo frappe à la porte d'une vieille dame, qui ne parle pas anglais. Elle a voté Barack Obama en 2012. Ricardo lui propose de lui envoyer une voiture le jour de l'élection pour l'emmener voter; elle accepte.
Pour beaucoup, la priorité est de régulariser les millions de sans-papiers installés aux Etats-Unis. Tout le monde ici a un parent, un oncle ou un ami sans-papiers.

C'est ce qui fait hésiter Vanesa Rojas, 32 ans, à continuer à voter pour les républicains, globalement hostiles aux régularisations: "des membres de ma famille sont clandestins, mais ils travaillent dur, je ne comprends pourquoi ils ne pourraient pas avoir de visa".

 Publicités et campagnes en espagnol

Mi Familia Vota, avec ses 72 salariés permanents et plus de 500 employés occasionnels comme Ricardo déployées dans six Etats de l'Ouest, est une organisation politiquement neutre.

Mais pour dix électeurs hispaniques qui se déplaceront, sept voteront démocrate, si la tendance de 2012 se confirmait.

Pour changer son image désastreuse de parti blanc élitiste, le parti républicain a donc investi. Il a embauché en 2013 Jennifer Sevilla Korn comme directrice politique adjointe chargée des hispaniques, et au total 37 salariés répartis dans le pays avec une mission: s'enraciner dans la communauté et persuader les hispaniques que les valeurs conservatrices leur sont pertinentes.

"Le parti a mis les moyens et prend ça très au sérieux", dit Jennifer Korn à l'AFP, au quartier général du parti républicain du Colorado, d'où une dizaine de militants partent chaque jour sillonner les quartiers hispaniques. "Nous n'allons pas plier bagages après les élections, nous allons rester... et leur transmettre le message républicain", avec la présidentielle de 2016 en vue.

Localement, les deux partis courtisent ouvertement l'électorat hispanique dans l'élection législative serrée de la circonscription numéro six, en banlieue de Denver: publicités, entretiens, porte-à-porte et même un débat télévisé en espagnol, jeudi, entre le républicain Mike Coffman et le démocrate Andrew Romanoff.
"Je parle espagnol, j'ai vécu en Amérique centrale", dit Andrew Romanoff à l'AFP. Il ironise sur son adversaire, qui apprend l'espagnol: "son bilan n'est pas meilleur dans une autre langue, il s'oppose toujours à la réforme migratoire".

 Manger des tortillas

Ce déferlement d'attentions tranche avec les discriminations dont ont souffert pendant des générations les hispano-Américains.

"Les Mexicano-Américains étaient traités comme les noirs l'étaient dans le Sud", témoigne Polly Baca, 73 ans, dont la famille est installée dans le Colorado depuis plusieurs générations, dans son appartement du centre de Denver. "Il y avait des pancartes: interdit aux Mexicains et aux chiens".

Polly Baca fut la première latina élue au sénat du Colorado, en 1978. Aujourd'hui, les deux assemblées locales comptent neuf hispaniques.

Elle loue les efforts du parti républicain, mais ne croit pas qu'il séduira les latinos sans faire taire son aile conservatrice et anti-immigrés.

"Ils peuvent essayer de nous conquérir en mangeant des tortillas, des tacos et du tamale", dit-elle, "mais il faut qu'ils agissent sur le fond".

Barack Obama a donné par décret des papiers temporaires à quelque 600.000 jeunes depuis 2012. Mais la réforme migratoire adoptée par le Sénat démocrate en 2013 est bloquée à la Chambre des représentants, dominée par les républicains. Et le président tarde à décréter un autre plan de régularisations massives.

Le "géant endormi" hispanique profitera-t-il des élections du 4 novembre pour exprimer son mécontentement?
Les républicains l'espèrent. Leur objectif officieux, selon Jennifer Korn, est de remonter à environ 40% de l'électorat hispanique, la proportion remportée par George W. Bush en 2004.

29 oct. 2014, Ivan Couronne

Source : AFP

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