La Grande Mosquée de Saint-Etienne se sera fait attendre huit ans. Mais au final, c’est une réussite religieuse, culturelle, sociale et architecturale, même si son démarrage a connu quelques soubresauts qui sont aujourd’hui déjà oubliés grâce à la politique de transparence totale sur les financement voulue par le Recteur Larbi Marchiche.
Débutée en 2004 sur un ancien terrain industriel de Saint-Etienne, la construction de la mosquée a été achevée en 2012 après quelques aléas financiers qui ont retardé son achèvement. C’est le 19 juin 2012, qu’elle a été officiellement inaugurée et ouverte au public sous le nom de Grande Mosquée Mohamed VI.
France, les responsables des lieux de culte musulmans cherchent toujours à financer les constructions de mosquées par les dons des fidèles eux-mêmes. Mais l’ampleur du projet architectural, la volonté d’avoir un édifice de grande beauté qui s’intègre parfaitement dans un environnement donné, mais aussi la recherche de notoriété spirituelle régionale, voire nationale, pour la mosquée et ses fidèles, ne rendent pas toujours possible l’ambition d’un autofinancement de la construction à 100 %.
Cela a été le cas à Saint-Etienne. Le gros-œuvre de l’édifice a été payé par les contributions des fidèles. Mais cela n’a malheureusement pas été suffisant. C’est pourquoi, Larbi Marchiche, recteur de la Grande Mosquée, et ses conseillers ont décidé de demander une aide financière au roi Mohamed VI qui a d’emblée répondu favorablement à cette requête.
Grâce à la participation du souverain marocain, les travaux ont pu être achevés par la prise en charge de la décoration somptueuse de l’édifice, réalisée par des entrepreneurs et des artisans marocains. Au total, le Maroc aura financé 5 millions d’euros sur les 8 millions du budget de construction pour une mosquée qui ambitionne d’être une image positive de l’islam en France.
Le soutien du Maroc ne s’est pas limité à cette aide financière pour l’investissement. En décembre 2012, le Centre socioculturel marocain de Saint-Etienne en charge du lieu de culte a signé une convention de partenariat avec le ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques qui permet à la Grande mosquée Mohamed VI de disposer de moyens pour son fonctionnement.
Cette convention qui régit les relations entre la mosquée et le Maroc stipule notamment que « le ministère, à la demande de l’association, met à sa disposition un imam et une prédicatrice marocains et exerçant à titre officiel ». Leur contrat est conclu pour une durée de quatre ans. Le Maroc soutient donc le fonctionnement de la mosquée avec « mise à disposition de tous les moyens financiers (un budget annuel) et humains nécessaires, notamment : les conférenciers, les imams psalmodieurs, les prédicateurs, les prédicatrices, etc. ».
Le soutien financier marocain permet aussi, en plus de la gestion cultuelle, la mise en place d’actions sociales dans le domaine de l’orientation, de la formation et de l’aide à l’emploi. De plus en plus, en effet, les mosquées ne se limitent pas à leurs seules fonctions cultuelles, mais prennent en compte tous les besoins sociaux de leur communauté de fidèles, notamment des plus pauvres.
La mosquée est aussi un lieu d’animation culturelle, tout en restant dans le respect des formes de la spiritualité. C’est ainsi que des « colloques interreligueux » y sont organisés pour favoriser le dialogue et la solidarité entre les différentes religions qui se reconnaissent d’Abraham.
Le jour de l’inauguration, le 19 juin 2012, le maire de l’époque, Maurice Vincent, s’est réjoui de voir la communauté musulmane de sa ville dotée à présent d’une « Grande Mosquée et d’un lieu de prière de très haute qualité ». Au-delà de cet aspect de respect républicain des croyances de chacun et des pratiques religieuses, le maire a également salué la qualité architecturale de la mosquée qui est, aujourd’hui, un patrimoine qui marque l’image de la ville : « Je constate, aussi, avec intérêt, que notre patrimoine monumental de Saint-Étienne vient de s’enrichir d’un nouvel édifice qui est en même temps une œuvre d’art », a-t-il ajouté.
Mohammed Moussaoui, professeur à l'université d'Avignon, vice-président du Rassemblement des musulmans de France et président du Conseil français du culte musulman au moment de l’inauguration, développe une vision de la Grande Mosquée Mohamed VI qui la place à l’échelon national et pas seulement régional. Pour lui, « cette mosquée est un symbole de l’intégration de l’islam en France, cela montre que l’islam est présent en France. Les mosquées sont passées par plusieurs phases. Elles ont d’abord connu les caves, les appartements HLM, mais maintenant nous avons de vraies mosquées. »
De style arabo-andalou, la mosquée s’étend sur une superficie de près de 1 400 mètres carrés avec un minaret de 14 mètres. Une série d'arcades et deux fontaines dans un patio forment l’entrée principale. Les arcs sont en stuc blanc, les ornementations en plâtre et en faïence tandis que les murs et les piliers sont recouverts de céramiques. Le plafond en bois sculpté et peint au centre de la grande salle de prière a été réalisé au Maroc.
On sait combien les tensions sont quelquefois vives à l’égard de minarets dans les paysages européens. La Suisse a donné le mauvais exemple sur le sujet avec sa votation interdisant la construction de minarets en confédération helvétique. C’est donc un casse-tête pour l’architecte de la mosquée pour qu’elle s’intègre parfaitement dans un environnement façonné par des siècles d’histoire locale.
Il faut donc saluer l’excellence du travail réalisé par Kamal Ibn Abdelkrim, architecte de la Grande mosquée de Saint-Etienne, comme celles de Givors et de Vénissieux, dans le Rhône. Si à Givors, il a renoncé au minaret « qui n’aurait pas été à la taille de la ville », il n’a pas hésité à construire un minaret de 14 mètres à Saint-Etienne. L’espace le permettait, le savoir faire et le coup de patte artistique ont permis la réussite comme le constatait le quotidien lyonnais Le Progrès le 11 août 2011, un peu avant la fin définitive des travaux :
« La grande mosquée de Saint-Etienne n’aura rien à envier à d’autres. Elle est en passe de devenir un véritable joyau. Les aménagements extérieurs et les espaces verts, réalisés par l’entreprise stéphanoise Déchandon paysage, mettent en valeur l’architecture de la mosquée.
À l’extérieur, le minaret muet de 14 mètres qui se fond dans le paysage, les ouvertures en arcs de pierre sculptée, les fontaines en marbre, sans oublier le sol recouvert de pavés couleur ocre, laissent apparaître un environnement chaleureux.
L’intérieur est majestueux, avec ses portes et sa coupole en bois de cèdre sculpté de laquelle est suspendu un imposant lustre en cuivre comportant 250 ampoules. Splendeur aussi avec les arcades et ornement en plâtre sculpté, les murs et les colonnes recouverts de mosaïques multicolores, la balustrade en bois encadrant la mezzanine qui recevra les femmes lors de la prière. Terminé aussi les espaces réservés aux ablutions et le réseau de caméras qui permettra de filmer chaque prière du vendredi qui sera retransmise dans le monde entier grâce à Internet. Une première en France. Des travaux réalisés par 54 ouvriers marocains, menuisiers, plâtriers, carreleurs. »
29/10/2014, Mohamed Labzioui
Source : Maglor