Les études et débats du séminaire international "Marocaines d'ici et d'ailleurs" ont montré la plus-value féminine de la migration mais aussi ses failles et ses limites.
Le séminaire international «Marocaines d'ici et d'ailleurs», qui s'est achevé samedi à Marrakech, aura favorisé un «croisement» des compétences et scellé économiquement, intellectuellement et humainement l'engagement féminin des Marocaines du monde à leur pays d'origine. «Nous comptons sur vous pour poursuivre et mettre en avant les acquis et les avancées enregistrées par le Maroc grâce à sa politique résolument moderne», a déclaré le président du Conseil régional de Marrakech, Hamid Narjisse, en présence des parlementaires et ministres et en écho à plusieurs démonstrations scientifiques effectuées, qui ont corroboré l'apport sans précédent des femmes à leur pays d'accueil. Les colloques scientifiques internationaux présentés ont, en effet, ouvert la voie à une réflexion scientifique inédite sur les nouvelles mutations de la migration devenue principalement féminine et permis d'appréhender pour la première fois les mécanismes et les dynamiques de cette mobilité à travers une approche comparative mondiale. Volontairement articulé sur des travaux anthropologiques et des études statistiques établis par une trentaine de chercheurs marocains et étrangers, les débats auront permis dans une large mesure de comprendre que les femmes sont une composante majeure du phénomène migratoire actuel mais aussi -et c'est une nouveauté en la matière- de faire la lumière sur la situation sociale et psychologique malaisée des femmes migrantes et de leurs aspirations.
Désillusion, dépression, souffrances psychiques liées au sentiment de rejet sont souvent le lot de ces Marocaines d'Europe qui expriment certes un attachement fort au Maroc ainsi qu'à leur pays de résidence mais éprouvent un besoin de reconnaissance autant de l'un que de l'autre. Face au sentiment de rejet du pays d'accueil, les femmes de 2e et de 3e générations en Grande-Bretagne, notamment, ont trouvé des stratégies de riposte autour d'une construction identitaire nouvelle cristallisée autour de l'Islam. De même pour les femmes diplômées des Pays-Bas issues de la seconde génération qui, après avoir recherché une autonomie professionnelle et financière, sont aujourd'hui à l'instar de leur mère, dans une quête identitaire au travers d'une démarche religieuse.
Il est surtout ressorti des différentes interventions que les générations successives de femmes étaient extrêmement contrastées, que les fossés intergénérationnels se creusaient sensiblement mais que ces dernières avaient un niveau d'étude aujourd'hui beaucoup plus élevé que les primo-migrantes. Le Canada accueille en l'occurrence des Marocaines hautement diplômées dont le niveau d'études dépasse en moyenne celui des Canadiennes de souche. D'une manière générale, la mobilité migratoire apparaît comme contribuant à construire le genre et à réduire les disparités hommes femmes. La migration des femmes marocaines seules à laquelle on assiste ces dix dernières années est un indice de leur autonomie mais pose avec acuité le problème de la promotion sociale et de l'épanouissement personnel de ces femmes. Dans cette perspective, des problématiques émergeantes liées à ce nouveau visage féminin de la migration, n'ont pas manqué d'être soulevées, notamment, celles de la prostitution et de son corollaire, la violence à l'égard des femmes marocaines vécues en particulier dans les pays du Golfe et dans les pays d'Afrique Noire. Nombre d'actrices politiques et associatives ont appelé les autorités nationales à prendre des mesures d'urgence dans le domaine de la prévention et de la pénalisation tant au Maroc que dans les pays de résidence. Le travail des Marocaines saisonnières en particulier dans la province d'Huelva (Espagne) a aussi été l'objet de débat et de polémique par son aspect discriminant, astreignant et parfois éminemment dangereux pour les femmes en termes sanitaires. Les femmes marocaines de première génération, bien souvent veuves, isolées, en situation de précarité mais qui au demeurant bénéficient du soutien de leurs enfants, ont aussi été un sujet de préoccupation des intervenantes et participantes du colloque.
Il a été en effet demandé d'accorder une attention particulière à ces femmes par un dispositif de soutien et d'accompagnement financier, social et médical dans le pays d'origine pour favoriser leur retour. Etablir des conventions bilatérales dans toute l'Europe, inspirées du modèle maroco-belges en matière de transfert de droits de ces femmes a été fortement recommandé. «Relever autant de défis appelle une participation active, citoyenne, élargie, à fortiori celle de l'émigration», a souligné Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME).
C'est pourquoi les espaces «Echanges et partenariats» ont été l'occasion de mobiliser les compétences féminines autour de ces nombreuses problématiques communes du phénomène migratoire féminin et de les inviter à contribuer à l'engagement civique et à la promotion de l'égalité de genre dans les pays d'accueil et de résidence. Echanges d'expériences de vie et de travail, d'actions et de projets interculturels dans les domaines associatif, culturel, économique devront à terme aboutir à une amorce de partenariat stratégique en vue de répondre aux enjeux et défis que soulève la féminisation de l'émigration. Cette 2e édition des «femmes du Maroc et d'ailleurs» aura en tout état de cause gagné de nouveaux galons qui l'imposent comme un rendez-vous incontournable et privilégié vers une émigration féminine réussie et «objet de fierté» ainsi que l'aura souligné le président du Conseil régional de Marrakech Hamid Narjisse .
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Objectifs et réalisations du CCME
Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger est une institution consultative jouissant d'une autonomie administrative et financière créée le 21 décembre 2007. Elle a pour mission d'assurer le suivi et l'évaluation des politiques publiques du Royaume envers ses ressortissants émigrés et d'agir en faveur de la promotion de leurs droits et de leur participation au développement politique, économique, culturel, et social du pays. Plusieurs actions ont été menées dans ce sens. Ainsi le CCME a organisé la première rencontre des Conseils des MRE dans le monde.
Un séminaire a été également initié autour de la question des retraites, en partenariat avec des réseaux de retraites immigrés. Le CCME a également co-organisé le festival «Cinéma et migration» à Agadir et réalisé le premier sondage sur la situation sociale, citoyenne et religieuse des Marocains d'Europe, en collaboration avec BVA (Institut de sondage français).
Le Conseil a aussi commandité plusieurs recherches internationales autour de la migration dont certaines exposées durant le colloque. Sous son impulsion, une collection de livres sur l'immigration a également vu le jour en partenariat avec les éditions le Fennec.
Source : Le Matin