Une formation adéquate des Imams en Europe occidentale est devenue une "nécessité impérative" afin de leur permettre de promouvoir les préceptes de l'Islam en tant que religion de tolérance et du juste milieu, et rempart à toute forme d'extrêmise, telles sont les conclusions de la conférence internationale "Imams en Europe occidentale" qui a conclu ses travaux, vendredi à Rome.
La formation des Imams aux valeurs de l'Islam modéré demeure le meilleur moyen pour lutter contre l'extrêmise et l'intolérance, et un outil efficace permettant à cette institution religieuse de jouer pleinement son rôle au sein de la société conformément aux constantes des pays où elle exerce, ont estimé les participants à cette rencontre qui a débattu, trois jours durant, de divers thèmes relatifs notamment au statut, à la fonction et à la formation de l'Imam en Europe occidentale, ainsi que des problématiques que pose cette institution dans un Occident laïc.
Les différents intervenants ont mis l'accent sur l'importance du rôle joué par l'Imam dans l'encadrement de la société, appelant, entre autres, à former des imams et prédicateurs maîtrisant la réalité des pays européens, afin de pouvoir adapter leur discours et véhiculer des messages pertinents et convaincants, notamment en direction des jeunes.
Pour éviter tout amalgame au sujet de l'Imamat, des conférenciers, notamment le Secrétaire général du Centre islamique de Rome, M. Abdellah Redouane, ont tenu à expliquer la différence entre 'l'Imamat al-Kubra''qui signifie la concentration du pouvoir spirituel et temporel dans la même personne, et 'l'Imamat al-Sughra'' qui porte sur le rôle et les compétences de l'Imam qui dirige la prière, objet de cette conférence.
''Celui qui dirige la prière, doit être le meilleur récitant du coran, s'ils se valent tous, sera le plus connaisseur de la Sunna, s'ils s'y valent tous, ce sera le plus ancien parmi les émigrés (Mouhajirounes) et s'ils se valent aussi sur ce plan, ce sera alors le plus âgé'', précise un hadith rapporté par Muslim, ont-ils fait observer.
Selon M. Redouane, nombre d'imams en Europe ne satisfont pas les conditions basiques citées dans ce hadith à savoir la mémorisation du Coran ou, au moins, une partie du livre sacré et la connaissance de la sunna.
"Ce déficit cognitif devient dramatique quand un Imam passe du +bricolage+ à la copie de sermons entiers à partir d'Internet sans même en avoir examiné le contenu", a-t-il fait observer.
Tout en expliquant qu'il n'y a pas de sacerdoce dans l'Islam, comme on ne trouve pas de hiérarchie claire semblable à celle de l'Eglise Catholique, les intervenants ont expliqué que l'Imam avait, au début, une fonction consistant en la conduite de la prière à titre volontaire sans contrepartie, mais ce rôle à évoluer avec le temps et devenu un métier rémunéré (l'Imam dans les pays musulmans est pris, par le passé, en charge par la communauté des fidèles aux termes d'un contrat verbal ou écrit) avant qu'il ne devienne "presque un fonctionnaire'' qui "reçoit son salaire d'un organisme étatique''.
Evoquant le rôle que joue l'Imam en Europe, plusieurs conférenciers ont relevé que ce rôle "n'a jamais été précis dans l'histoire de l'Islam" faisant remarquer qu'en Europe "l'Imam n'est pas sollicité seulement pour conduire la prière, mais il est appelé à faire des sermons, prêcher, émettre des Fatwas, faire de l'assistance sociale et psychologique et devenir porte-parole de la communauté et son représentant".
"C'est une mission qui va au-delà de la capacité humaine de l'Imam et nécessite des compétences multiples. Dans nombre de cas, l'Imam est contraint d'interpréter des rôles pour lesquels il n'est pas préparé, et dès lors pour surmonter de telles difficultés il est nécessaire de redéfinir le rôle et les devoirs de l'Imam dans le contexte européen" a estimé M. Redouane.
La même observation a été faite par d'autres intervenants notamment l'initiateur de cet événement, Mohamed Hashas, jeune doctorant marocain à l'Université LUISS de Rome, qui a relevé que "les Imams n'ont jamais eu un rôle précis dans l'histoire islamique. Ils jouent le rôle de leaders spirituels de la Communauté, président les prières du jour, du vendredi et des fêtes, prêchent les vendredis, les jours de fêtes et aux autres occasions, organisent les réunions (Halaqas) d'éducation religieuse dans les mosquées ou dans les salles de réunion, etc".
Selon lui, "à défaut d'institutions étatiques qui guident la communauté islamique en Europe, l'Imam a pris en charge ce rôle de guide, ce qui lui donne davantage de pouvoir, un pouvoir parfois utilisé à mauvais escient et en dehors des référentiels juridiques et religieux reconnues par la communauté des ouléma".
Organisée par la prestigieuse université de Rome LUISS Guido Carli en partenariat avec l'Université italienne John Cabot, cette rencontre a eu pour objectif d'engager une réflexion sur le rôle de l'Imam en Europe occidentale en vue de la partager notamment avec les décideurs politiques et autres parties concernées par cette question.
8 nov 2014
Source : MAP