Assis sur un banc de Rochester (sud-est de l'Angleterre), "Fantastic Paul", un ouvrier britannique au chômage, envisage sérieusement de voter jeudi pour le parti europhobe et anti-immigration Ukip, qui espère décrocher un second député lors de cette législative partielle.
Après s'être brisé la colonne vertébrale lors d'un accident il y a quatre ans, ce cinquantenaire qui se présente sous son sobriquet est un électeur mécontent du Parti travailliste (opposition). Il se plaint de "ne pas trouver de boulot" dans cette ville située à 50 kilomètres au sud de Londres.
"Je ne suis pas raciste, mais il y a des étrangers qui vont travailler pour moitié moins d'argent", a-t-il dit à l'AFP.
Keith Mye, un autre électeur déçu du Labour, âgé de 67 ans, se dit également frustré par le nombre de ressortissants étrangers. "Je pense qu'il y en a trop dans ce pays".
Après avoir longtemps été considéré comme un refuge pour la frange la plus à droite du parti conservateur, l'United Kingdom Independence Party (Ukip) attire désormais les électeurs de la classe ouvrière, séduits par ses projets de strict contrôle de l'immigration.
L'Ukip a promis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et appelle à la mise en place d'un système d'immigration à points.
Face à la montée de cette formation concurrente dans les sondages à l'approche des élections législatives de mai prochain, le Premier ministre, David Cameron, a exprimé l'intention de limiter l'immigration en provenance des autres pays de l'UE, au mépris du principe de libre-circulation des personnes en vigueur au sein de l'Union.
"L'immigration est un problème dans le pays, que vous soyez dans le Nord ou dans le Sud, dans l'Est ou dans l'Ouest, pour la classe ouvrière et pour la classe moyenne", a affirmé le chef adjoint de l'Ukip, Paul Nuttall, en faisant campagne pour son candidat, Mark Reckless.
"Les salaires des gens n'augmentent pas comme ils devraient. Je suis très étonné que les syndicats ne protestent pas contre ça", a-t-il ajouté.
Victoire 'historique'
La circonscription englobe Rochester et Strood, deux villes qui incarnent des réalités bien différentes.
Rochester, qui a servi de toile de fond à nombre des romans de Charles Dickens, demeure l'archétype de la ville romantique et pittoresque anglaise avec des bâtiments anciens délabrés menant à un impressionnant château normand.
De l'autre côté de la rivière Medway qui sépare la circonscription, Strood à l'allure d'une cité ouvrière et est entourée de logements sociaux sur des kilomètres à la ronde.
Le candidat Ukip, Mark Reckless, a été député conservateur de la circonscription pendant quatre ans. Il a provoqué la législative partielle disputée le 20 novembre en quittant son parti, pour se représenter sous les couleurs du parti anti-immigration.
En pleine séance de porte-à-porte dans un lotissement de Strood, il confie à l'AFP s'attendre que son parti réalise un bon score "dans toutes les couches" politique alors que les sondages lui prédisent une victoire confortable jeudi.
"La proportion des électeurs de l'Ukip qui votaient préalablement Labour a triplé en passant de 7% à 23%", s'est-il félicité.
Il serait alors le second député Ukip à entrer au parlement de Westminster après Douglas Carswell, largement élu début octobre à Clacton-on-Sea après avoir également claqué la porte du parti conservateur.
Le racisme, 'moteur principal'
Pour Bob Peters, propriétaire d'une librairie de livres d'occasion à Rochester, qui se fonde sur les commentaires de ses clients, "l'immigration est un problème central ici" et "la perte d'identité est la grande peur".
Si l'Ukip répète à l'envie qu'il n'est pas un parti raciste, certains en doute sérieusement.
"Les gens qui disent qu'ils veulent l'Angleterre aux Anglais... ce sont ceux qui vont voter Ukip", confie à l'AFP Lucie, une nanny de 56 ans, après avoir approché deux militants arborant une pancarte proclamant: "C'est notre pays, votez Ukip pour le récupérer".
"Le racisme est le moteur principal et beaucoup d'entre eux ne savent pas quelle est leur identité", déplore-t-elle.
19 novembre 2014,James PHEBY
Source : AFP