L’Agence nationale de réglementation des télécoms vient d’être condamnée récemment en justice pour qu’elle revienne sur l’une de ses décisions jugée arbitraire. C’est un MRE de France qui lui avait intenté le procès. Explications.
En février dernier, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) bloquait le nom de domaine whois.ma, accordé à un jeune MRE quelques jours auparavant. Il s’agit d’une sorte d’annuaire interrogeable automatiquement par les internautes pour savoir si un nom de domaine « .ma » est libre. Son fondateur s’appelle Alaa-Eddine Kaddouri et c’est un jeune ingénieur marocain résidant en France. Pour réclamer justice, il a porté l’affaire devant le tribunal. Une décision qui s’est avérée judicieuse pour lui, puisque le tribunal administratif d'Oujda s’est prononcé cette semaine en sa faveur.
« Les lois doivent s’appliquer à tout le monde »
L’ANRT se voit ainsi condamner à débloquer le site web et à rendre le nom de domaine à son propriétaire. Alaa-Eddine Kaddouri se dit « extrêmement satisfait » du verdict.
« Le but de cette affaire était avant tout de montrer que les lois doivent s'appliquer à tout le monde si on souhaite atteindre les valeurs démocratiques auxquelles aspirent les citoyens marocains. Il n'est plus tolérable aujourd'hui qu'une administration ou un service court-circuite les procédures et les lois face à un citoyen qui ne demande rien d'autre à part le respect de ses droits », nous explique-t-il.
Lorsque l’ANRT a bloqué son site, elle n’avait donné aucune explication claire et recevable à son propriétaire. « Le motif donné par l'ANRT, oralement au téléphone, était que ce nom de domaine faisait partie d'une liste de noms dont l’attribution est soumise à des conditions. Lorsque nous avons demandé l'acquisition du domaine auprès d'une agence Maroc Telecom, la procédure s'est déroulée normalement, aucune opposition ne nous avait été donnée », se souvient-il.
Aucune complication au début
« Ensuite, nous avons envoyé un fax au bureau de l'ANRT pour l'activation du nom via le changement des DNS, une étape obligatoire pour qu'un site devienne accessible. Là encore, l'ANRT a fait le changement et ne nous a fait aucune remarque quant à l'acquisition ou l'activation du nom de domaine. Ce n'est qu'après l'activation du site que ce dernier a été censuré. Le juge a pris connaissance de l'argument de l'ANRT et de nos procédures et justificatifs, et a estimé que nous étions totalement dans notre droit », se félicite cet ingénieur.
« Le site Whois.ma offrait un service d'annuaire électronique de noms de domaines répondant aux normes (RFC 3912). Il fait partie des services réclamés par les professionnels du web marocains à l'ANRT depuis plusieurs années,... il n'a jamais été mis en place. Ayant la possibilité et les connaissances techniques pour résoudre ce problème, j'ai trouvé tout à fait naturel d'offrir ce service gratuitement via Whois.ma, c'est ainsi que le projet était né », explique-t-il.
« J'en ai profité pour pointer du doigt certains manquements sur le site Whois.ma de la part de l'ANRT et de Maroc Telecom dans la gestion des noms de domaines .MA ... Avec le recul, je me dis que c'est peut être cela le vrai motif de la censure. Autrement, pourquoi le nom de domaine ne m'avait pas été refusé au départ ? Avec un associé, on avait prévu de mettre en place une série de services électroniques destinés aux professionnels du web. Malheureusement, l'affaire et les complications qui en ont découlé nous ont contraints à interrompre le projet », regrette Alaa-Eddine Kaddouri.
La justice fonctionne
Ce dernier ne sait pas encore quand est-ce que son site sera remis en ligne. « Ceci étant dit, cette affaire a le mérite d'avoir révélé qu'il y a une justice qui fonctionne et nombreux sont ceux qui se retrouvent dans des situations similaires, face à l'ANRT ou à une autre administration », ajoute-t-il.
Et de conclure : « Les citoyens doivent comprendre qu'en réclamant leur droits, ils rendent également service à la justice, puisque grâce à leurs actions, ils permettent aux tribunaux d'aboutir à des jurisprudences ; ces dernières deviennent alors des références dans les affaires similaires. Les lois seules ne suffisent pas à construire un Etat de droits, le citoyen aussi doit y participer en donnant l'occasion à la justice de s'exprimer plus souvent. Si ce message est passé, on peut dire que cette affaire est un grand succès! ».
20.11.2014, Ghita Ismaili
Source : yabiladi.com