lundi 4 novembre 2024 19:03

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Suédois et immigrants se découvrent autour d'un dîner (MAGAZINE-DOSSIER)

Enseignant le suédois aux immigrants, Ebba Åkerman s'est vite rendue compte qu'elle était la seule Scandinave que fréquentaient ses élèves. Elle décide alors de rassembler des compatriotes et des demandeurs d'asile autour d'un dîner, une initiative qui suscite beaucoup d'enthousiasme malgré la montée de l'extrême droite dans le pays.

"J'ai commencé à faire des remplacements en début d'année et j'étais curieuse de faire connaissance avec mes élèves. Très rapidement, je me suis rendue compte que j'étais la seule Suédoise à qui ils parlaient", explique-t-elle. "Je me suis dit qu'il fallait que ça change, par exemple autour d'un dîner".

Rien ne permet mieux de briser la glace que partager un repas. "L'hôte rajoute juste une ou deux assiettes, et partage une partie de son quotidien", souligne Ebba, 31 ans. Grâce à sa page facebook intitulée "ministère des Invitations", elle met en contact des Suédois, natifs ou non, ou des apprenants.

Dès que Jenny Sigurs, attachée de presse de 42 ans, et Urban Söderman, responsable commercial de 37 ans, ont eu vent de cette initiative, ils se sont portés volontaires.

À Stockholm, plus de 100 dîners ont été organisés depuis mars, et l'initiative a gagné d'autres villes, en Suède et ailleurs.

Un premier dîner a été organisé à Athènes, d'autres devraient suivre à Vilnius, Singapour, New Delhi, Zurich et au Nouveau-Mexique (États-Unis).

 "Je dois parler avec des Suédois"

En Suède, l'immigration de masse est un phénomène récent et en pleine expansion. Selon le "baromètre de la diversité" 2013, 20,1% de la population a des racines en dehors du pays.

"On se demande toujours ce qu'on peut faire pour aider ceux qui arrivent ici. Ouvrir sa porte, c'est simple et concret et ça donne quelque chose", explique Jenny.

Un mardi soir, à 18h30 précises, Mikhaïl Zuhir, Syrien de 29 ans, a donc sonné à la porte de leur jolie maison de la banlieue de Stockholm, un bouquet de fleurs à la main.

"Chez moi, si on est invité à dîner et qu'on arrive sans fleurs, c'est sûr qu'on ne sera pas invité une nouvelle fois", dit-il, goguenard, en les offrant au maître de maison.

Sans façons, il s'installe autour de la table de la cuisine. Au menu, des plats typiques du quotidien des Suédois: saumon et pommes de terre, suivis d'une succulente tarte aux pommes.

Mikhaïl est heureux de partager ce repas, lui qui attendait impatiemment une invitation.

"Un jour, j'ai entendu des élèves de mon cours dire qu'ils étaient allés dîner chez des Suédois, qu'ils avaient discuté et s'étaient bien amusés. Et là, je me suis dit, qu'est-ce que j'attends?", explique-t-il, enjoué. Il s'est inscrit et une invitation lui est parvenue.

"Ça fait dix mois que je suis en Suède, et je dois parler avec des Suédois si je veux m'améliorer et m'intégrer", poursuit-il. "Avec mes copains, on essaie de parler suédois, ça marche une minute, puis on passe à l'arabe !"

Face à des hôtes curieux et des questions qui fusent, Mikhaïl raconte son histoire de bonne grâce. Chrétien, il n'était plus le bienvenu dans sa petite ville près de la frontière turque. "En plus, je suis électricien et on avait à peine trois heures d'électricité par jour. Il fallait bien que je parte".

Il rejoint d'abord Homs, où sa situation devient intenable. "Mon père m'a dit de quitter le pays. J'ai choisi la Suède parce que mon grand-père s'y est installé il y a 23 ans et que je savais que le gouvernement allait nous aider".

"Maintenant, je me sens en sécurité", affirme-t-il.

 "Il fait froid"

Son avenir est en Suède. Il a tout prévu: "d'abord, il faut vraiment que je parle bien le suédois, ensuite que je fasse valider mes compétences d'électricien, puis je pourrai trouver un emploi".

Pour l'instant, il a abandonné le football, qu'il pratiquait quotidiennement. "De toutes façons, je n'arrive pas à courir quand il fait froid. C'est totalement impossible!"

"On le sent vraiment déterminé. J'espère qu'on va garder contact et pouvoir l'accompagner", conclut Urban, qui se souvient de ses séjours en immersion lorsqu'il apprenait l'anglais adolescent.

Pourtant, près d'un Suédois sur cinq n'a aucun contact avec une personne originaire d'un pays en dehors de l'Europe et en septembre l'extrême droite est devenue le troisième parti du pays, avec 12,9% des voix.

"Après les élections, les demandes ont un peu augmenté. Les gens veulent s'engager", souligne Ebba. "Avec mon projet, j'établis un premier contact, une graine est plantée. L'intégration, ça se passe avant tout au niveau individuel".

20 nov. 2014,Camille BAS-WOHLERT

Source : AFP

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