jeudi 4 juillet 2024 14:16

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La métamorphose hispanique d'une petite ville américaine (MAGAZINE-DOSSIER)

Deux jours après chaque élection depuis plus de 200 ans, la petite ville de Georgetown bariolée des couleurs américaines enterre littéralement la hache de guerre, une tradition surnommée "Return Day", à laquelle participent sans faillir vainqueurs et perdants du scrutin.

Mais le folklore échappe largement aux immigrés hispaniques qui font leurs courses un peu plus loin au supermarché El Mercado. Une télévision diffuse des émissions en espagnol. Les rayons proposent les mêmes produits qu'en Amérique centrale, d'où la majorité des immigrés arrivés à Georgetown depuis 20 ans sont originaires. Et la jeune caissière répond: "C'est quoi +Return Day+?".

En 1990, seuls 75 habitants de Georgetown, dans le Delaware (est), étaient d'origine hispanique, selon le recensement. Aujourd'hui, près de la moitié des 6.400 habitants sont "latinos", la plupart originaires du Guatemala. Georgetown est devenue l'une des villes américaines avec la plus forte concentration de Guatémaltèques.

Comme eux, des millions d'immigrés illégaux vont pouvoir résider légalement aux Etats-Unis après la décision du président Barack Obama d'accorder une régularisation provisoire à quelque cinq millions de clandestins.

L'intégration de cette nouvelle population ne s'est pas faite sans tensions mais les deux communautés vivent à présent côte à côte mais séparées.

"Il y a des gens qui sont vieux jeu et veulent que rien ne change", explique le maire de Georgetown, Bill West. "Mais je leur dis: il faut qu'on change, ils ne vont pas repartir, il faut que ça marche".

 Le rêve américain

Gerson Guox fait partie de ces Guatémaltèques attirés à Georgetown par les usines de volailles du Delaware, un secteur en pleine expansion quand il débarque en 1993, après avoir fui la guerre civile dans son pays.

"J'ai toujours voulu une vie meilleure, vivre le rêve américain", raconte-t-il.

D'abord clandestin, Gerson parvient à obtenir l'asile politique, puis la citoyenneté américaine. Mais il se souvient d'avoir été refoulé, avec son frère, d'un restaurant aux abords de Georgetown. "Le patron du restaurant nous a dit qu'on n'avait pas le droit d'être là".

Gerson a appelé la police, et aujourd'hui, c'est avec fierté qu'il évoque cette plainte, dans le même établissement d'où il s'était fait refouler. Il l'a racheté il y a quelques années et l'a transformé en restaurant mexicain, rebaptisé "La Quetzalteca".

Désormais, le quartier de Kimmeytown ressemble à un "Little Guatemala", plein de restaurants, magasins et services dédiés à la population hispanique. On y trouve des robes de quinceanera, la fête traditionnelle pour le 15e anniversaire des jeunes filles, le journal "Hoy en Delaware" (Aujourd'hui dans le Delaware), un centre associatif "La Esperanza", un centre médical, etc...

"C'est une histoire classique d'immigration", dit l'historien Roger Horowitz. "Au début, c'est chaotique, et puis la communauté se stabilise".

 Vague d'adolescents sans papiers

Mais l'arrivée cette année dans la zone de plusieurs dizaines de jeunes sans-papiers appréhendés à la frontière avec le Mexique et placés par les autorités fédérales a pris la ville par surprise et forcé la municipalité à improviser pour s'adapter, une nouvelle fois.

Plus de 68.000 mineurs non accompagnés d'adultes, principalement venus de trois petits pays d'Amérique centrale dont le Guatemala, ont traversé la frontière entre octobre 2013 et septembre 2014, presque le double de l'année précédente. Ces mineurs sont pris en charge par l'Etat fédéral et placés dans des foyers puis des familles, en attendant qu'un juge statue sur leur situation.

Au lycée Sussex Central High School, le proviseur a dû intégrer au moins 70 nouveaux élèves, dont beaucoup ne parlaient pas anglais.

"C'est un problème exponentiel", dit Donald Hattier, membre du conseil d'administration. "Quand on monte un budget pour un nombre donné d'élèves et que, tout d'un coup, quelqu'un vous impose autant d'enfants, ça enlève des moyens pour les élèves qui étaient là avant".

Un programme à destination de ces nouveaux arrivants hispanophones a été lancé en septembre par la circonscription scolaire (Indian River School District) qui inclut Georgetown. Et les responsables s'attendent à ce que l'afflux continue.

A "La Quetzalteca", difficile d'imaginer le temps où les hispaniques n'étaient pas les bienvenus. La femme de Gerson Guox accueille et sert les clients en espagnol et en anglais. Sa version du rêve américain.
"Tous les jours quand je me lève, je me dis: +Gerson, conduis-toi comme si c'était ton premier jour en Amérique. Profite de tout ce que tu as aujourd'hui, compare avec ce que tu avais quand tu es arrivé ici+".

21 nov. 2014, Brittany SCHELL

Source : AFP

 

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