C'est une oeuvre de salubrité publique que nous proposent Gilles Cayatte et Christophe Nick, une enquête à vocation pédagogique à diffuser dans les écoles de journalisme tant ce travail de fond s'avère utile et même indispensable pour régénérer notre démocratie à bout de souffle.
A l'aide du journaliste John Paul Lepers, ils s'attaquent en effet à une tâche monumentale : déconstruire un préjugé, une idée aussi fausse que reçue, celle selon laquelle l'immigration et délinquance en France seraient liés.
Au bout de trente ans d'implantation électorale de l'extrême droite, ce cliché s'est malheureusement répandu au point de ronger chaque jour un peu plus la société française. Ce slogan s'impose comme une évidence à mesure que le lepénisme avance. De ministère de l'Identité nationale en discours de Grenoble, le sarkozysme n' a pas été en reste pour souffler sur les braises. Et la "zemmourisation des esprits" illustrée par le succès du dernier livre du polémiste lepénisant apparait comme le point d'orgue de cette xénophobie ordinaire.
Point par point, pièce à pièce, ces deux documentaires démontent de façon implacable ce monstrueux mensonge sans a apriori idéologique mais en s'appuyant sur les faits, rien que les faits, ce qui constitue la base même du métier de journaliste.
Découvrez en exclusivité le documentaire "L'enquête qui dérange", diffusé mardi 25 novembre, sur France 2 :
Dans le premier documentaire, intitulé "L'enquête qui dérange", John Paul Lepers promène sa silhouette dégingandée de journaliste faussement candide à travers l'hexagone, d'Aubervilliers à Beausoleil. A partir du recueil des statistiques officielles des crimes et délits, il arpente le pays pour tenter de vérifier cette intuition selon laquelle immigration et délinquance seraient étroitement liées, la première étant cause de la seconde.
Au fil de ce travail minutieux que l'on suit pas à pas comme une enquête policière, il relativise la portée de ces masses de chiffres que les hommes politiques en mal de démagogie électoraliste s'envoient à la figure. Le plus souvent, en effet, les statistiques brandies additionnent des délits sans rapport entre eux, des incivilités ordinaires à la grande criminalité.
Puis, recentrant son étude sur la comparaison entre deux aires urbaines aux caractéristiques sociales semblables, Caen et Montbéliard, il parvient à éliminer cette idée reçue qui pollue le débat public. A Caen, où le pourcentage d'immigrés est presque trois fois inférieur à celui de Montbéliard, (5% contre 13,6%), le taux de délinquance s'avère exactement du même niveau. Toute corrélation avec l'implantation de populations étrangères est donc nulle et non avenue et l'enquête s'applique à le démontrer de façon indiscutable.
Dans le second volet, intitulé "La fabrique du préjugé", John Paul Lepers dissèque les mécanismes qui sont à la racine des discriminations à l'aide des travaux de professeurs en psychologie sociale. De façon là aussi limpide et minutieuse, il multiplie les expériences auprès d'élèves d'écoles primaires qui dévoilent comment se forment en chacun de nous, ou presque, préjugés et stéréotypes liés à la couleur de peau de l'autre.
Lutter contre ces mauvais instincts qui menacent chacun de nous et notre capacité à vivre ensemble par-delà de nos différences est affaire de pédagogie et de savoir. C'est aussi affaire de journalisme et c'est le grand mérite de ces deux formidables enquêtes de nous le rappeler. A voir et revoir absolument pour dissiper les vents mauvais de la démagogie xénophobe qui polluent notre actualité.
23/11/2014, Renaud Dély
Source : nouvelobs.com