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Après les régularisations massives en Espagne, un reflux migratoire

L'Espagne a vécu dans les années 1990 et 2000 une hausse vertigineuse du nombre d'étrangers et plusieurs vagues de régularisations massives, comme il s'en prépare aux Etats-Unis. Mais la crise a régulé les flux migratoires.

De l'avis de tous les experts le processus fut "brutal". En 1986, les étrangers n'étaient officiellement que 293.000 dans une Espagne sortant de presque 40 ans de dictature franquiste (1939-1975).

Vingt-cinq ans plus tard, en 2012, l'Espagne comptait 5,2 millions de résidents étrangers sur 47 millions d'habitants, soit 11% de sa population, l'un des taux les plus élevés de l'Union européenne, selon des données de l'Institut national des statistiques (INE).

Fin 2013, elle ne comptait plus que 4,6 millions de résidents étrangers sur 46,5 millions de personnes soit moins de 10%.

A partir de 1993, une Espagne vieillissante au taux de natalité trop faible mais en pleine croissance avait même instauré des quotas par secteur pour attirer la main d'oeuvre étrangère.

Beaucoup travaillaient cependant sans être déclarés et dans des situations précaires comme aux Etats-Unis, où Barack Obama va régulariser par décret cinq millions de clandestins, qui auront un permis de travail de trois ans.

En Espagne, dans les années 1990 et 2000 plusieurs régularisations massives sont donc intervenues, la dernière, en 2005, étant en proportion la plus spectaculaire et la plus controversée, avec quelque 690.000 demandes dont plus de 88% avaient été acceptées.

L'affaire avait fait grand bruit. La mesure du gouvernement socialiste de Jose Luis Rodriguez Zapatero était contestée par le Parti populaire convaincu qu'elle entrainerait un "appel d'air" pour de nouveaux immigrants.

"Nous aurons plusieurs millions d'immigrés irréguliers dans notre pays avant même que le processus de régularisation ait démarré", avait accusé une députée, Maria Angeles Munoz, lors d'une houleuse séance à la Chambre. Le gouvernement répondait qu'il s'agissait uniquement d'une "normalisation" pour des personnes ayant déjà un travail.

A l'étranger, la mesure n'était pas des plus appréciées. Le Premier ministre français de l'époque, Dominique de Villepin, avait souhaité "qu'à l'avenir, lorsqu'un gouvernement allié prendra des décisions qui touchent ses voisins il cherche à se concerter".

De plus, en 2005 et 2006, des milliers d'Africains arrivaient à bord d'embarcations de fortune (les "pateras") aux Canaries. Au point que l'immigration était considérée comme l'un des principaux problèmes du pays par 60% des Espagnols en octobre 2006, selon un sondage du Centre d'investigations sociologiques (CIS) de la présidence.

Pour les immigrés en revanche, ce fut un grand moment de joie.

"Ces papiers, c'était la vie des gens", témoigne Vladimir Paspuel de l'association Ruminahui de défense des Equatoriens: "Ils pouvaient travailler, envoyer de l'argent à leurs familles et sortir (du territoire). (...) Combien de stress, combien de maladies cela avait généré avant?"

"La régularisation d'Obama correspond à la même logique, c'est un phénomène naturel, estime Esteban Ibarra, du Mouvement contre l'intolérance, association luttant notamment contre le racisme anti-immigrés.

Les détracteurs s'inquiétaient de salaires tirés vers le bas, d'une saturation du système de santé, une affirmation contestée vu la hausse parallèle des cotisations entrant dans les caisses de l'Etat.

"La main d'oeuvre étrangère a rééquilibré l'économie", assure Rosario Zanabria, membre du Fonds pour l'intégration sociale des immigrés et représentante d'une association de Péruviens (Ari-Peru). Elle souligne que les immigrés régularisés ont occupé les postes dont les Espagnols ne voulaient pas: dans la restauration, le bâtiment, comme employés de maison.

La crise est depuis passée par là. Selon l'INE, près de 40% des étrangers sont au chômage contre 25% de la population active. Et ils repartent: le nombre a chuté de 7,8% en 2013, la quatrième année consécutive de baisse.

D'après la dernière enquête d'opinion du CIS, seules 3% des personnes interrogées considèrent que l'immigration est l'un des principaux problèmes de l'Espagne, même si certains actes de xénophobie ont bien augmenté avec la crise, selon M. Ibarra. Ainsi, dans le centre de Madrid, certaines associations ne distribuent de la nourriture "que pour les Espagnols".

23.11.2014

Source : 20minutes.fr

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