En Belgique, la question de la laïcité est devenue tellement sensible qu'après le résultat du référendum suisse sur les minarets, plusieurs partis ont préféré reporter un débat qui s'amorçait dans les assemblées sur la nécessité d'assurer une séparation plus franche entre les communautés religieuses et l'Etat.
Une proposition de loi déposée au Sénat avait été signée par quatre partis : le PS et les écologistes francophones, les libéraux flamands et francophones. Le texte visait à assurer l'impartialité des pouvoirs publics. L'auteur de la proposition, le sénateur (PS) Philippe Mahoux, a souhaité retarder son examen afin que ses idées puissent être discutées "sereinement".
Les dispositions envisagées par M. Mahoux visent à revoir des articles de la Constitution de 1831 définissant la neutralité. Elles invitent les agents des services publics à s'abstenir de toute manifestation extérieure de nature religieuse, philosophique ou partisane. Elles indiquent qu'aucune prescription religieuse ne peut être retenue comme justification ou excuse pour une infraction pénale. Et qu'elle ne peut faire obstacle "à la pleine jouissance et au plein exercice des droits civils et politiques".
Le texte prône encore l'instauration d'un cadre purement civil pour les solennités officielles, visant, entre autres, une messe (le Te Deum) organisée le jour de la fête nationale.
Pas question de "forcer le débat", estime désormais le sénateur écologiste Marcel Cheron. Il faut assurer la neutralité de l'Etat mais aussi "le respect du droit de pratiquer son culte de façon visible", estime-t-il.
Alarmé par les commentaires de quotidiens flamands, qui affirmaient que le texte aurait pour effet d'interdire jusqu'aux croix dans les cimetières, un autre signataire, le sénateur libéral flamand Jean-Jacques De Gucht, a indiqué qu'il ne voulait pas déclencher de "tempête".
UN CADRE SEREIN
Le texte évoque le respect du principe de neutralité dans les parties communes des cimetières, où les croix seraient donc enlevées. M. De Gucht souligne qu'il s'était surtout rallié à la proposition pour protester contre le refus de certains hôpitaux catholiques d'appliquer la loi sur l'euthanasie.
Le Mouvement réformateur (libéral francophone) semble, lui, divisé, mais l'un de ses sénateurs a alimenté la polémique par un trait d'humour. "Va-t-on supprimer l'effigie, ou même le passage de saint Nicolas dans les écoles ?" a interrogé Philippe Monfils. La figure du saint catholique, dispensateur de jouets aux "enfants sages" le 6 décembre, est populaire dans le pays, mais il porte une croix...
Ainsi caricaturée, la discussion n'avait aucune chance d'aboutir. La volonté de certains Flamands de préserver le rôle protocolaire de premier plan de l'Eglise catholique, couplée au désir exprimé par des représentants francophones de ne pas alimenter les polémiques sur le voile se sont conjugués. Tous ont évoqué la nécessité de débattre dans un "cadre serein" avec les acteurs de la société civile.
Ce cadre est celui des "assises de l'interculturalité", mises en place par le gouvernement fédéral et qui abordent la question, jamais résolue depuis quinze ans, du port du foulard dans la fonction publique et les écoles.
Source : Le Monde