samedi 2 novembre 2024 22:21

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L'Europe vieillissante a besoin d'immigrés mais n'en veut pas

L'Europe vieillit à une vitesse sans égale dans le reste du monde. Pour freiner le mouvement et continuer de financer sa protection sociale et ses retraites, elle a besoin d'attirer des immigrés mais pour bon nombre de ses citoyens, cette solution est inacceptable.

Le "Vieux" Continent peut compenser pendant quelques années le vieillissement de sa population active en augmentant le taux d'emploi des femmes et des seniors, en favorisant la mobilité en Europe et en optimisant l'emploi de la population immigrée actuelle, estiment les experts de l'Union et de l'OCDE.

Mais à plus long terme, l'UE devra attirer un nombre important de travailleurs qualifiés venus de l'extérieur de ses frontières. Et donc surmonter l'opposition d'une partie de l'opinion publique.

"Si vous fermez la porte (à l'immigration), vous en paierez le prix économique", explique Jean-Christophe Dumont, spécialiste des migrations internationales à l'OCDE.

"Pour l'instant, on peut mieux utiliser les immigrés qui sont déjà là, en faisant mieux correspondre leurs qualifications aux besoins du marché du travail. A plus long terme, il ne s'agira pas seulement de leurs qualifications, mais aussi de leur nombre."

Si les tendances actuelles se maintiennent, l'Allemagne, première puissance économique de la région, mais aussi l'Espagne et la Pologne, verront leur population diminuer, avec pour conséquence une diminution de leur potentiel de croissance.

Sans changement des flux migratoires, la population allemande pourrait tomber de 82 millions à 74,7 millions de personnes d'ici 2050, estime Eurostat, l'institut européen de la statistique. D'autres projections annoncent même une population ramenée à 65 millions de personnes d'ici 2060.

L'ALLEMAGNE DEPASSEE PAR LA GRANDE-BRETAGNE D'ICI 2050

Cette évolution se traduira par "des contraintes importantes" en terme d'offre de main d'oeuvre dans plusieurs pays de l'UE, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Finlande, conclut une étude de la Commission européenne.

En Allemagne, où le taux de natalité est le plus faible d'Europe, l'institut d'études économique IW estime à 22 milliards d'euros par an le coût de la raréfaction des travailleurs qualifiés.

A l'opposé, la Grande-Bretagne, la France, l'Irlande et dans une moindre mesure l'Italie peuvent tabler sur une poursuite de la croissance démographique. La Grande-Bretagne devrait ainsi devenir le pays le plus peuplé d'Europe d'ici 2050 avec 77,2 millions d'habitants, tandis que la France rattraperait l'Allemagne avec 74,3 millions.

Ces chiffres ne pèsent pourtant pas lourd dans le débat politique face aux discours du Front national de Marine Le Pen en France, du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage en Grande-Bretagne ou encore du Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders aux Pays-Bas.

Après six ans de crise économique, leurs accusations contre les immigrés censés "voler" le travail des travailleurs locaux, faire baisser les salaires et alimenter la hausse de la délinquance sont de mieux en mieux reçues par les électeurs des classes moyennes.

LE NIVEAU DE VIE DES EUROPEENS, ENJEU CLE

Dans ce débat, un aspect est souvent négligé: celui de l'impact grandissant de l'évolution démographique sur le financement des retraites et de la santé.

Or, avec le départ à la retraite de la génération du baby boom, la part des plus de 65 ans dans la population va rapidement augmenter tandis que le nombre des moins de 15 ans diminuera de près de 15% d'ici 2060, prévoit Eurostat.

Aujourd'hui le ratio de dépendance démographique des seniors (le rapport entre la population de plus de 65 ans et celle des 15-64 ans) est de 27,5% en moyenne dans l'UE. Et il devrait atteindre 49,4% en 2050: il n'y aurait alors plus que deux actifs pour un retraité.

C'est pour ralentir ce mouvement que de nombreux pays ont déjà relevé l'âge de la retraite à 65 ans ou au-delà et augmenté la durée de cotisation.

Parallèlement, le vieillissement signifie qu'une part croissante de la population raisonne davantage du point de vue de ses besoins que de ses envies, explique Paul Hodges, coauteur du livre électronique "Boom, Gloom and The New Normal", sur l'impact économique du vieillissement.

"De la démographie dépend la demande", résume-t-il. "Des gens plus âgés ont moins besoin de logements, de voitures et de produits de grande consommation et ils doivent s'adapter à une baisse de leurs revenus lorsqu'ils arrivent à l'âge de la retraite, ce qui freine l'économie."

Avant la crise économique qui a éclaté en 2008, la croissance de la zone euro avoisinait 2% par an en moyenne, avec en gros 1% lié à l'augmentation de l'emploi et 1% aux gains de productivité.

Ce potentiel de croissance a chuté avec la crise et ne s'est pas redressé dans la plupart des pays.

Si elle se prive de l'impact positif de l'immigration sur l'emploi, l'Europe ne pourra donc compter que sur d'importants gains de productivité - improbables aujourd'hui - pour maintenir son niveau de vie. Ou se résoudre à voir celui-ci baisser.

1er décembre 2014, Georgina Prodhan et Michael Nienaber

Source : Reuters

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