Il s'était attaché sous un train pour quitter la Grèce par le nord, vers un pays d'Europe moins frappé par la crise : mais pour Ali Arzin, un Afghan de 23 ans, le voyage s'est arrêté là.
Le mois dernier, la plateforme en bois qu'il avait bricolée sous le wagon s'est disloquée, vouant le jeune homme à une mort affreuse.
Ali faisait partie des centaines de migrants, venus surtout d'Asie centrale et du Moyen-orient et échoués en Grèce souvent après être passés par les côtes occidentales de la Turquie -- distante de quelques kilomètres de certaines îles grecques -- à avoir cherché récemment à gagner d'autres pays européens en transitant par la Macédoine, pays frontalier de la Grèce.
Car malgré son label de l'UE, la Grèce, après quatre ans d'une crise économique sans précédent, a surtout à leur offrir un chômage à quelque 25% et une xénophobie qui a crû avec l'austérité.
De plus en plus, malgré leur nombre multiplié par trois entre début 2013 (janvier-août) et début 2014, notamment à cause de la guerre en Syrie, les migrants arrivés en Grèce espèrent donc en partir, comme les 200 Syriens qui campent et font la grève de la faim depuis deux semaines sur la place Syntagma, dans le centre d'Athènes.
A Idoméni, petite commune frontalière avec la Macédoine située au nord de Thessalonique, la deuxième ville grecque, ils se rassemblent dans des campements de fortune près de la voie de chemin de fer, guettant leur chance. Certains essaient de se hisser à bord des trains, d'autres espèrent se faire aider par des passeurs macédoniens.
"Cela fait 20 jours que je suis là", témoigne un Afghan sous couvert d'anonymat.
"Je veux passer par la Macédoine et aller en Europe. Il n'y a pas de travail en Grèce, je veux aller en Allemagne", dit-il.
"J'ai vécu huit ans en Grèce, en travaillant principalement dans l'agriculture", témoigne un autre Afghan, âgé de 22 ans. Avant, se rappelle-t-il, "j'avais un salaire de 30 euros par jour avec lequel je pouvais vivre". "Mais maintenant, avec la crise, c'est devenu très difficile ici."
'Rivière ininterrompue'
A ses côtés, une jeune Camerounaise éclate en sanglots. Grelottant dans son sac de couchage, elle dit être chrétienne et avoir "quitté le Cameroun à cause des islamistes qui ont tué (son) mari".
Selon le dernier rapport de l'agence Frontex, l'agence européenne pour la sécurité des frontières de l'UE, les passeurs macédoniens demandent entre 120 et 200 euros pour amener les migrants jusqu'à la frontière serbe. D'autres réseaux, toujours par le nord, ont éclos sur la frontière entre la Grèce et l'Albanie, et organisent des passages en bateau vers l'Italie.
La route par les Balkans est toutefois moins onéreuse que la traversée, 1.800 euros maximum contre jusqu'à 3.000, toujours selon Frontex.
Dimitris Ioannidis, qui réside à Idoméni, estime que "chaque jour, jusqu'à 150 personnes arrivent dans le secteur".
"Ils viennent de Thessalonique en taxi, en voiture ou en bus. C'est une rivière humaine ininterrompue", explique-t-il.
La plupart des migrants reçoivent en arrivant en Grèce un papier stipulant qu'ils ont six mois pour quitter le pays légalement. Si la police grecque les trouve tentant de franchir illégalement la frontière, elle les renvoie vers Thessalonique. S'ils n'ont pas de document valide, elle les arrête.
Cinquante migrants par jour environ voient ainsi la police mettre un terme au moins provisoire à leur projet.
Leur sort est pire en Macédoine (pays candidat pour adhérer à l'UE), témoigne un Pakistanais de 24 ans. "Là-bas, ils nous traitent comme des animaux, un ballon qu'on se renvoie."
Mais sans cesse ils retentent leur chance vers le nord, la Macédoine, puis la Serbie. A la frontière entre la Serbie et la Hongrie, autre porte d'entrée de l'UE vers l'Autriche et l'Allemagne, le nombre de migrants a augmenté de 338% (une multiplication par quatre) entre 2012 et 2013, selon Frontex.
4 déc 2014, Vassilis KYRIAKOULIS
Source : AFP