Coups, brimades, douche froide: une Indonésienne a raconté lundi devant un tribunal de Hong Kong les "tortures" infligées par son employeur, un enfer qui illustre jusqu'à l'extrême le quotidien souvent très dur des domestiques asiatiques.
Arrivée en mai 2013 dans l'ancienne colonie britannique pour se mettre au service d'une famille locale, s'occuper des taches ménagères, des courses, garder les enfants ou les chiens, Erwiana Sulistyaningsih, 23 ans, a enduré un calvaire particulièrement terrifiant.
Mais les mauvais traitements ne sont pas rares. Ces femmes isolées venues des régions les plus pauvres d'Asie du Sud-Est témoignent fréquemment de sévices physiques ou psychologiques reçus de leurs employeurs hongkongais ou expatriés.
"J'ai été torturée", a calmement témoigné la jeune femme dans une salle d'audience pleine à craquer. "Elle me battait souvent, parfois elle me frappait par derrière, parfois de face. Il arrivait qu'elle me frappe tellement souvent que j'avais des migraines (...). Elle pouvait me frapper à la bouche, et j'avais du mal à respirer".
L'employée raconte avoir été entièrement déshabillée, passée sous l'eau et contrainte de se tenir nue sous un climatiseur, en plein hiver. Elle était aussi affamée, nourrie de pain et de riz.
L'employée tente de s'enfuir une première fois. Mais ses papiers d'identité lui sont confisqués. Elle est séquestrée dans l'appartement. "Elle menaçait de tuer mes parents si je racontais les tortures à qui que ce soit", a-t-elle assuré à la cour.
Elle pavient finalement à se libérer en janvier 2014, après huit mois de violences. Hospitalisée dans un état grave à Sragen, sur l'île indonésienne de Java, elle en était sortie un mois plus tard.
L'affaire, au retentissement international, avait pris un tour diplomatique lorsque le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono avait appelé lui-même la domestique en lui promettant que "justice sera(it) rendue".
Un embout d'aspirateur dans la bouche
L'accusée, Law Wan-tung, une mère de famille de 44 ans, a été arrêtée fin janvier à l'aéroport de Hong Kong alors qu'elle s'apprêtait à embarquer dans un avion pour la Thaïlande.
Présente à l'audience, elle répond entre autres de violences volontaires sur trois employées indonésiennes et encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Au cours de l'instruction, elle a seulement reconnu avoir omis de souscrire une assurance pour son employée.
Elle nie avoir utilisé un balai, un aspirateur et des cintres comme autant d'"armes". "Elle a mis l'embout d'un aspirateur dans ma bouche en le tournant dans mes gencives. Je saignais et c'était très douloureux", a pourtant déclaré la victime présumée, assurant avoir aussi été poussée d'un escabeau sur lequel elle était montée pour réparer un climatiseur.
Pour Eman Villanueva, porte-parole d'une ONG de défense des droits des employées de maison de Hong Kong, "l'esclavage est bel est bien d'actualité à Hong Kong, surtout parmi les migrants, les domestiques, qui sont forcés de travailler six jours par semaine et doivent être disponibles presque 24h/24."
"La lutte d'Erwiana est une lutte pour la justice non seulement pour elle, mais pour tous les migrants (...) victimes d'abus et d'esclavage."
Hong Kong compte quelque 300.000 employées de maison, venues pour la plupart des Philippines ou d'Indonésie.
Elles sont mieux protégées que dans d'autres pays d'Asie du Sud, mais dépendent de leur employeur pour leur titre de séjour et ne disposent que de quelques jours de vacances par an pour un salaire mensuel de 400 euros environ.
Amnesty International qualifie leurs conditions de travail d'"esclavage moderne" et accuse les autorités locales de fermer les yeux. "J'ai été mordue une dizaine de fois. Elle a enregistré la scène sur son téléphone portable et elle la regardait sans cesse, en riant", racontait en 2013 une femme citée dans un rapport de l'ONG.
La même année, un couple hongkongais avait été condamné à plus de cinq et trois ans d'emprisonnement pour avoir brûlé au fer à repasser et battu à l'aide d'une chaîne de vélo son employée indonésienne.
8 déc 2014, Dennis CHONG
Source : AFP