François Hollande inaugure lundi le Musée de l'Immigration, une institution controversée ouverte en 2007 et qui n'avait encore jamais accueilli depuis son ouverture sous le mandat de Nicolas Sarkozy un président ou un Premier ministre français.
En inaugurant ce lieu de mémoire et en y prononçant son premier discours officiel sur la question de l'immigration, François Hollande entend bien marquer sa différence avec Nicolas Sarkozy qui, tout juste élu président, avait déclenché une vive polémique en instaurant un ministère de l'Identité nationale.
Sept ans après l'ouverture du musée, le déplacement du chef de l'Etat prend une dimension politique particulière : il intervient alors que son rival de l'élection présidentielle de 2012 est revenu au centre de la scène nationale comme président de l'UMP.
François Hollande devrait y exprimer "la reconnaissance de la France pour les immigrés qui sont venus de toutes parts à la fois pour la sauver, l'enrichir, la développer dans toutes ses dimensions et parler aussi de l'immigration aujourd'hui et demain", explique-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
"C'est des sujets qui peuvent rassembler : être un pays d'immigration c'est quand même être un pays fort", estime-t-on à l'Elysée où l'on admet que le climat reste tendu en France sur cette question dont le Front national, qui a rassemblé en mai près d'un quart de l'électorat aux élections européennes, a fait son cheval de bataille.
Le succès de librairie du livre de l'écrivain et journaliste Eric Zemmour, "Le suicide français", inquiète aussi à gauche et témoigne, selon le mot du Premier ministre Manuel Valls, d'une vision "rance" de l'Histoire de France.
Pour Eric Zemmour, la nation française court à sa perte en se diluant dans l'Europe et la mondialisation et en refusant de reconnaître les aspects négatifs de l'immigration.
Aucune annonce majeure n'est attendue de la part du président qui avait promis, lors de sa campagne électorale, de donner le droit de vote aux étrangers, une réforme qui semble hors de portée actuellement.
CRISPATIONS FRANCAISES SUR L'IMMIGRATION
"On sait tous que ce ne sera jamais adopté avant la fin du quinquennat puisque nous n'aurons jamais un vote conforme de l'Assemblée nationale et du Sénat et des trois cinquièmes au Congrès", résume une conseillère du président.
Pour la direction du musée dont la légitimité a été souvent mise en cause, la reconnaissance de l'Etat est bienvenue, d'autant qu'il partage sa vision sur les aspects positifs de l'immigration.
"Le fait qu'un président de la République ait le courage politique de dire que l'immigration c'est quelque chose de très important pour la France, ça c'est un événement", se félicite le président du conseil d'orientation du musée Benjamin Stora.
Ce proche de François Hollande a succédé en août à Jacques Toubon à la tête de cette institution dont la genèse relate les crispations françaises sur l'immigration.
La décision de créer ce lieu de mémoire dédié à la contribution des générations d'étrangers qui se sont installés en France sur plus de deux siècles avait été prise par le président Jacques Chirac au début de son second mandat en 2002.
"C'est dans ce contexte très particulier du Front national au second tour (représenté par Jean-Marie Le Pen) que Jacques Chirac décide après les élections avec Jean-Pierre Raffarin, son Premier ministre, de relancer ce projet", rappelle Luc Gruson, directeur général d'un musée qui a failli ne jamais voir le jour.
"En 2007, on était prêt à ouvrir la première tranche du musée, il y a eu les élections et là on a commencé à comprendre que l'inauguration serait compliquée", relate l'administrateur de l'institution dont les historiens avaient démissionné pour protester contre la création du ministère de l'Identité nationale.
"En 2009, on a tenté de nouveau de faire une inauguration, les journaux et la télévision régionale ont titré 'la police inaugure le musée de l'Immigration", poursuit Luc Gruson qui rappelle les "manifestations monstres" qui ont empêché le ministre de l'Identité nationale et transfuge socialiste Eric Besson d'y faire un discours.
Occupé la même année durant plusieurs mois par des centaines d'étrangers sans-papiers, le musée a progressivement essayé de trouver sa place en tant qu'institution culturelle en organisant des exposition sur l'immigration à travers le prisme de la mode ou de la bande dessinée par exemple.
14 déc. 2014,Julien Ponthus
Source : Reuters