Le président français François Hollande devait valoriser lundi soir à Paris l'immigration lors de l'inauguration d'un musée dédié à cette thématique, au moment où se manifestent en France et en Europe des tendances au repli identitaire.
Le cheminement du musée de l'Histoire de l'immigration est révélateur des difficultés liées à ce sujet dans la société française: son concept est né dans les années 1990, son ouverture n'est intervenue qu'en 2007 et il aura fallu attendre 2014 pour son inauguration...
L'immigration est un serpent de mer de la vie politique française depuis la fin des années de croissance d'après-guerre. L'extrême droite française et le Front national (FN), désormais en tête des intentions de vote à la prochaine présidentielle de 2017, en ont fait un de leurs principaux chevaux de bataille.
"Au lieu d'inaugurer un musée de l'immigration, François Hollande devrait lutter contre l'immigration qui est un problème monumental, économique, social et culturel", estime ainsi le numéro 2 du FN, Florian Philippot.
Le France compte environ 11% d'immigrés, selon l'ONU, mais les clandestins alimentent le fantasme et la génération française issue de l'immigration est souvent stigmatisée.
Le pays est une terre d'immigration "continue, liée au travail et à l'Histoire", fait-on valoir dans l'entourage du chef de l'Etat. "La réussite de l'intégration des immigrés fait partie de notre destin national" et cette réussite passe aussi par "la reconnaissance de cette Histoire", ajoute-t-on.
Pour certains experts, l'intervention présidentielle apparaît cependant bien tardive. "On attendait un grand discours à la nation au lendemain de l'élection (de 2012), un peu comme Obama l'avait fait, sur la fierté d'être Français", déplore Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).
'Taper sur les autres'
Le discours du chef de l'Etat intervient une semaine après que le gouvernement a déclaré la lutte contre le racisme et l'antisémitisme "cause nationale", dans le sillage d'une agression d'un couple juif en banlieue parisienne qui a choqué en France.
Dans ce contexte, l'inauguration du musée devrait constituer "un geste très fort", estime Luc Gruson, son directeur général.
Elle intervient aussi à la veille de l'adoption à l'Assemblée nationale d'une réforme du droit d'asile qui vise notamment à réduire les délais d'examen des demandes. Lors du débat, le gouvernement socialiste a essuyé de vives critiques sur ce sujet venant de l'opposition de droite.
Un second texte de loi sur l'immigration est attendu au printemps. Le Premier ministre Manuel Valls devrait défendre un projet où il est notamment question de créer des titres de séjour pluriannuels. Il doit à la fois composer avec sa gauche qui veut une politique plus conciliante et la droite qui demande davantage de sévérité.
La question du droit de vote des étrangers aux élections locales, que des responsables de gauche cherchent à relancer, a pour sa part tourné court. Elle passe par une réforme constitutionnelle mais le chef de l'Etat ne dispose pas de la majorité requise au Parlement pour l'engager.
En Europe, la France n'est pas le seul pays à connaître le repli sur soi avec la crise économique.
L'Allemagne, où le débat est vif sur l'émergence d'un mouvement islamophobe, observe avec inquiétude la montée d'une vague populiste, avec une multiplication de manifestations hostiles aux étrangers.
Dans le quotidien britannique The Guardian, le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé "à cesser, en particulier au Royaume-Uni (...), cette pratique qui consiste à faire de la discrimination envers les autres pays juste parce que ça fait bien, chez soi, de taper sur les autres".
L'Espagne de son côté est en voie de se doter de nouvelles mesures permettant de renvoyer les personnes tentant de franchir les barrières frontalières entourant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc.
Amnesty international et le Haut commissariat pour les réfugiés s'en sont inquiétés mais le ministre de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz (droite) a maintenu le cap, en dénonçant l'"hypocrisie" du nord de l'Europe qui n'a pas plus que le sud du travail à donner à ces migrants.
15 déc. 2014,Hervé ASQUIN et Claire GALLEN
Source : AFP