Entretien avec le patron de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, l'historien français Benjamin Stora.
jeune afrique : Quelle est votre ambition pour la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ?
Benjamin Stora : Avant tout de la faire connaître ! Mais ce n'est pas évident de toucher le grand public. Notre sujet n'est pas facile, d'abord parce que nous devons restituer une histoire qui est en train de se faire. Ensuite parce que l'immigration est un état de passage, et qu'il faut donc rendre compte de trajectoires. Enfin parce que la France peine encore à se voir comme une nation en partie construite par ses migrants. Il faut donc batailler ferme pour valoriser cet apport migratoire : organiser des débats, des expositions, des forums et également faire revenir des historiens dans ce lieu d'histoire.
Vous êtes sous la tutelle de quatre ministères (Intérieur, Éducation nationale, Culture, Écologie). N'est-ce pas trop pesant ?
Un peu, car pour prendre une décision, demander une subvention, il faut la signature des quatre. Je vais faire des demandes pour que nous ne dépendions plus d'au moins deux d'entre eux : l'Intérieur et l'Écologie. Nous ne subissons de leur part aucune censure. La seule chose que l'on m'a demandée, c'est que le travail que l'on va mener ne soit pas l'occasion d'une guerre de mémoire, que l'on n'oppose pas les communautés entre elles. Ce avec quoi je suis tout à fait d'accord.
Quelle est votre stratégie pour toucher le grand public ?
D'abord gagner en visibilité médiatique. Je me souviens d'une exposition sur les Algériens de France, dont j'étais co-commissaire, et que nous avions organisée à la Cité. Nous n'avions eu que très, très peu d'articles. Or nous devons toucher les médias "lourds" : TF1, France 2... J'apporte une certaine notoriété, qui peut nous aider, mais nous allons tenter de réaliser des expositions sur des thèmes concrets, en partant de l'humain, d'itinéraires individuels, et en rapport avec l'actualité. Je pense qu'il faut également réactiver notre projet de plateforme contributive sur internet pour permettre à tous de livrer des témoignages et valoriser la richesse du lieu superbe dont nous avons hérité.
17/12/2014, Léo Pajon
Source : Jeuneafrique.com