Chaque matin, plusieurs centaines de Cubains convergent devant la Section d'intérêts américains de La Havane. Leur but, décrocher un précieux sésame pour visiter leurs proches aux États-unis.
"Je suis sûr que je vais réussir l'entretien, parce que Dieu m'a toujours concédé ce miracle", affirme à l'AFP Elena Perez, 83 ans, qui a déjà effectué trois séjours de l'autre côté du détroit de Floride.
Dans un petit parc de la rue située à deux pas de la Section des intérêts américains de La Havane ("Sina"), surnommé par certains "le parc des soupirs", beaucoup font les cent pas alors que d'autres consument cigarette sur cigarette en attendant que leur numéro soit appelé.
Elena, elle, reste calmement assise sur un petit banc en béton, au lendemain d'un voyage éreintant de 650 kilomètres depuis la région de Las Tunas, dans l'est du pays.
"Je ne vois aucune raison pour qu'ils me refusent le visa" pour Miami, répète-t-elle, bien décidée à rendre une nouvelle fois visite à son fils qu'elle n'a pas vu depuis trois ans.
'L'épreuve du feu'
Edila Almira, 57 ans, se soumet pour la première fois à "l'épreuve du feu". Elle a parcouru 950 kilomètres depuis la ville de Moa, sur la pointe orientale de l'île, pour tenter d'aller voir son fils qui a quitté Cuba voici quatre ans pour aller vivre dans le New Jersey (est des Etats-Unis).
Prenant visiblement son mal en patience, elle se dit confiante et estime que le rapprochement annoncé la semaine dernière entre Cuba et les Etats-Unis va "favoriser ces voyages".
Barack Obama a promis l'assouplissement prochain des voyages entre les deux pays pour certaines catégories déjà autorisées, comme les familles, les diplomates, les chercheurs ou les sportifs, en attendant la fin de l'embargo qui ouvrirait ces voyages aux touristes américains et cubains.
Pourtant, l'obtention du laisser-passer de la Sina a encore tout du parcours du combattant aujourd'hui.
Après avoir reçu par courrier la date d'un rendez-vous sur sollicitation de la famille résidant aux Etats-Unis, les candidats au voyage doivent se soumettre à un parcours de quatre à cinq heures, et endurer plusieurs files d'attente avant l'entretien redouté.
Un entretien de cinq minutes
En outre ils doivent s'acquitter d'une facture de 160 dollars, soit plus de huit fois le salaire mensuel moyen local, sans remboursement en cas de refus. Le verdict tombe immédiatement après le bref entretien de cinq minutes : un rendez-vous pour le retrait du visa, ou un refus pour "immigration probable" ou pour non-conformité aux prérequis.
S'il est accordé, le visa est valable pour cinq ans et autorise plusieurs séjours d'une durée maximale de six mois.
Le chauffeur de taxi José Ramon Dominguez, 53 ans, prend un air débonnaire et affirme que peu lui importe si on lui accorde ou non le visa. "S'ils me le donnent, tant mieux, sinon je reviendrai. Dans quelques années il n'y aura plus besoin de visa pour aller aux Etats-Unis", rigole-t-il.
Entre novembre 2013 et avril 2014, la Sina a accordé 19.500 visas de tourisme à des Cubains, soit 27% de plus que la même période précédente.
Dans le même temps, la représentation a distribué 11.250 visas pour émigration définitive, soit 12% de plus que ce qui est prévu par les accords migratoires de 1994-1995.
A la faveur d'une réforme migratoire adoptée par Raul Castro en janvier 2013, un nombre record de 327.000 personnes - essentiellement des Cubano-Américains venus sur l'île en provenance des États-Unis - ont effectué des voyages entre les deux pays au premier semestre, soit une hausse de 10% en un an.
Mais en dépit de cet assouplissement, nombreux sont ceux qui tentent encore d'effectuer la périlleuse traversée du détroit de Floride à bord d'embarcations de fortune. Selon Washington, 3.722 Cubains ont tenté d'émigrer illégalement par la mer entre octobre 2013 et septembre 2014, soit 75% de plus que lors de l'année fiscale précédente.
22 déc 2014,Rigoberto DIAZ
Source : AFP