dimanche 24 novembre 2024 09:33

Ceuta et Melilla: drames et violences aux frontières de l'Europe (REPORTAGE)

Ce sont deux bouts d'Europe du Nord de l'Afrique. A Ceuta et Melilla, face aux côtes espagnoles si prisées des touristes, la misère et la guerre exercent une pression sans précédent sur l'Espagne, débordée.

Ces deux enclaves au Maroc, occupent à peine 32 km2 où vivent quelque 170.000 personnes.

Ceuta est juste face au détroit de Gibraltar, reliant l'Atlantique à la Méditerrannée. Ici, l'appel du jihad est fort, puisque c'est de son quartier miséreux d'El Principe que sont partis la plupart des Espagnols ayant rejoint le groupe Etat islamique.

A 400 km à l'est, se trouve, toujours face à la mer, Melilla, plus proche de l'Algérie.

Deux territoires que le Maroc considère comme siens et que l'Espagne ne veut en aucun cas céder. Ce sont les deux seules frontières terrestres entre l'Afrique et l'Union européenne.

Chaque semaine, des centaines de migrants tentent d'escalader les hautes barrières entourant ces enclaves, surveillées respectivement par environ 600 gardes civils.

Plus que jamais elles sont un point d'entrée pour candidats à l'asile fuyant les conflits en Syrie, Libye, Irak, ou encore au Mali et au Soudan.

Les tentatives ne cessent d'augmenter, témoignent les autorités interrogées sur place. A Melilla notamment: en 2014, près de 20.000 personnes ont voulu entrer clandestinement. Quelque 4.700 personnes ont réussi, soit plus que dans les deux enclaves en 2013.

"La pression est maximum", se plaint le préfet de l'enclave Abdelmalek El Barkani. "Et le problème n'appartient pas seulement à l'Espagne et au Maroc, mais aussi à l'Union européenne".

"Nous sommes complètement débordés", admet aussi une source de la garde civile.

Tous les subterfuges sont bons. Des enfants et des adultes se glissent dans les chargements de camions, sous les véhicules, à l'intérieur de sièges vidés ou sous les tableaux de bord des voitures, au-dessus du moteur.

A Melilla, les plus robustes tentent d'escalader la haute barrière (six mètres) séparant le Maroc de l'Espagne, rendue tristement célèbre par une photo où l'on aperçoit des grappes de migrants perchés sur le grillage surplombant un golf verdoyant et des golfeurs semblant pratiquer ce sport dans la plus complète indifférence.

Ils y restent jusqu'à tomber de fatigue ou chuter sous les coups des forces de sécurité.

Abou Diarrisso, 22 ans, Ivoirien, a réussi. "Il faut être fort. Il faut être un lion", raconte à l'AFP ce clandestin rencontré à Melilla, fier d'être le seul qui a pu escalader la grille parmi un groupe de 200 clandestins.
Il arrive aussi que des gardes civils tombent lors de ces affrontements autour d'une barrière. "C'est une tragédie pour les migrants, mais aussi pour nous", insiste une source de la garde civile, en soulignant qu'en 2014, 38 agents ont été blessés.

A Ceuta, en février, une quinzaine de migrants se sont noyés en tentant d'accéder à l'enclave par la mer.
Violences -
Une vidéo filmée le 15 octobre par l'association de défense des droits de l'Homme Prodein a montré des gardes frappant un migrant puis le rendant, inconscient, au Maroc, sans tenter d'en savoir davantage sur lui ni lui prodiguer des soins.

Ces "renvois à chaud", sans laisser aux migrants la possibilité de demander l'asile, veulent être légalisés par l'Espagne, qui se plaint du manque de soutien de l'Union européenne pour garder ces territoires stratégiques pour tous.

Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe Nils Muiznieks a dénoncé le projet, le jugeant "injuste et illégal du point de vue du droit international".

"Ces gens des bureaux du nord de l'Europe où ils n'ont pas ce problème (...) nous donnent des leçons d'humanitarisme", a réagi le ministre de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz.

Selon un militant des droits de l'Homme basé à Melilla, Manuel Soria, les clandestins font aussi l'objet d'attaques "brutales", au Maroc.

Pendant ce temps, des réseaux de passeurs prospèrent, facturant jusqu'à 3.000 euros par clandestins, selon la garde civile. L'un des réseaux agit depuis l'ouest de l'Afrique. Un autre, dirigé par des trafiquants et proxénètes du Nigeria force notamment les migrants à payer de leur personne le voyage, une fois arrivés à destination.

A Bruxelles, le nouveau président de la Commission Jean-Claude Juncker a pour sa part appelé les pays membres de l'Union européenne à dépenser davantage pour la protection des frontières, un budget qui reste pour l'instant limité à 90 million d'euros.

25 déc. 2014, Roland LLOYD PARRY, Ingrid BAZINET

Source : AFP

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