dimanche 24 novembre 2024 07:56

Islamophobie en France : «On a tendance à assimiler le mot musulman à fondamentaliste»

Dans une enquête d'opinion exclusive YouGov pour 20 Minutes, presque 80% des sondés craignent des amalgames entre musulmans et terroristes... Mais la même proportion estime que les musulmans de France ont le devoir de condamner les actes terroristes...

Les actes islamophobes ont enregistré une hausse de 11,3% sur les neuf premiers mois de l'année, par rapport à la même période en 2012, a dénoncé samedi l'Observatoire national contre l'islamophobie, qui s'inquiète notamment des agressions de femmes voilées. - Bruno Fahy BELGA

Tolérance et stigmatisation. Dans une enquête d'opinion exclusive YouGov pour 20 Minutes, deux chiffres semblent s’opposer: en effet, si une grande majorité (79,4%) des sondés craignent des amalgames entre musulmans et terroristes au cours des prochaines semaines, la même proportion de Français estime que les musulmans de France ont le devoir de condamner les actes terroristes. Comment expliquer ce paradoxe?

Tendance à assimiler le mot musulman à fondamentaliste

Mirna Safi, sociologue à Sciences-Po souligne: «Le climat français est inquiétant car on exige des musulmans qu’ils se désolidarisent d’actes avec lesquels ils n’ont aucun lien.»

Un paradoxe qui s’inscrit dans une montée du racisme: «Tous les indicateurs nous alertent sur la montée de l’islamophobie, qui existait avant les attentats de la semaine dernière. Aujourd’hui on a tendance à assimiler le mot musulman à fondamentaliste, à une culture inassimilable. Pas seulement dans les actes de violence, mais dans le discours.»

En effet, difficile de dire ce qui relie tous les musulmans de France. Si ce n’est la construction d’un groupe. «On est dans un paradoxe: dans un pays laïc où la religion devrait relever du privé, on construit des frontières, une assignation à un groupe en fonction d’une religion. On l’a d’ailleurs vu ces derniers jours quand un journaliste demande à une jeune femme si elle se sent Française avant de se sentir musulmane…»

Une stigmatisation en fonction de la religion

Mais cette stigmatisation se traduit aussi par des difficultés économiques: «Nous avons des preuves empiriques de cette stigmatisation et de ces conséquences en termes d'inégalités socio-économiques sur le marché du travail, à l'école, dans l'accès au logement. Des chercheurs ont par exemple montré en utilisant des testings que les personnes d’origine musulmane, qu’elles soient religieuses ou  non, ont moins de chance de décrocher un entretien d'embauche, à CV égal», souligne cette spécialiste de l’immigration.

Et les attitudes négatives envers les musulmans ne sont pas une spécificité française. En mai 2014, une étude du Pew Center dévoilait même que les Français ont une opinion très favorable des musulmans: 72 % des sondés. Un chiffre qui dénote par rapport à ses voisins européens: en effet, seulement  58% des Allemands, 43% des Grecs, 28% des Italiens partagent une vision favorable des musulmans. Des chiffres qui s’opposent aux dernières études sur la stigmatisation et aux actes islamophobes qui augmentent.

«Dans toute l’Europe la montée des partis extrémistes s’accompagne d’une montée du racisme qui touche particulièrement les musulmans, reprend Mirna Safi. Mais la spécificité de la France tient à deux choses: l’ampleur de la population musulmane, entre 8 et 10%. Et le lien très fort avec l’histoire coloniale.»

«Incorporer les musulmans comme des protagonistes»

Améliorer la connaissance de l’islam, sortir des stéréotypes, désolidariser terrorisme et immigration, éduquer les enfants à la tolérance, le chemin est long pour contrer ces frontières qui dressent les Français les uns contre les autres. Pour autant, certaines données peuvent rassurer: des indicateurs culturels incitent à l'optimisme: mixité amoureuse et sociale, convergence dans les valeurs et les modes de vie, etc… L’issue ne peut se faire sans les musulmans, via des politiques de reconnaissance de cette minorité. Il faut incorporer les musulmans comme des protagonistes et pas seulement comme ceux qui subissent ou qui doivent condamner des actes terroristes.»

14.01.2015, Oihana Gabriel

Source : 20minutes.fr

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