dimanche 24 novembre 2024 08:40

Cinéma : avec "Hope", voyage au coeur des drames de l'immigration clandestine

"Le +chemin de l'aventure+ est parsemé d'embûches et nécessite d'être formé plus qu'un militaire!", tonne Didier Njikam, un des acteurs camerounais de "Hope", film qui témoigne des multiples drames vécus par les migrants africains dans leur quête de "l'eldorado européen".

Tournée au Maroc, l'oeuvre de Boris Lojkine, qui sort dans les salles françaises le 28 janvier, raconte le quotidien de l'immigration clandestine, entre petites joies et grandes souffrances, à travers l'histoire d'amour improbable d'un Camerounais (Léonard) et d'une Nigériane (Hope), des "ghettos" du désert du Sahara aux hauteurs de l'enclave espagnole de Melilla.

"L'idée m'est venue il y a longtemps. (...) Ce thème de la migration nous replonge dans une dimension mythologique du voyage qui n'est plus la nôtre, avec des grands espaces à conquérir et des forces naturelles à vaincre", déclare à l'AFP son réalisateur français, un habitué des documentaires.
L'une des originalités de sa démarche réside dans le casting, opéré au Maroc même, dans les communautés de migrants, au premier rang desquels les personnages principaux interprétés par Justin Wang (Léonard) et Endurance Newtom (Hope).

Parmi les drames de "Hope" figurent, évidemment, celles des tentatives de franchissement du détroit de Gibraltar ou des frontières grillagées de Melilla, au coeur de l'actualité.

 'On te cassera'

Si la violence est le plus souvent "hors champ", Léonard et Endurance sont d'emblée mis en garde à leur arrivée dans le massif du Gourougou, sur les hauteurs de l'enclave.

"Dis-toi que tu es mort et que c'est ton cadavre qui se balade. Parce que là-bas, quand tu pars à l'assaut et que tu n'entres pas, on te cassera mon frère", les prévient un migrant.

En amont, le film met également en lumière la grande dureté du monde des "ghettos", purgatoires posés en plein désert, où la vie des migrants en transit est régie par des leaders communautaires, les "chairman".
"On traite souvent la migration clandestine avec notre position d'Européen, en se posant la question du rapport à la loi. On s'intéresse moins à la manière dont leur monde à eux s'organise. C'est ce qui m'a le plus frappé", avance Boris Lojkine.

Un monde où les femmes sont livrées à une violence extrême, comme la prostitution. "J'ai rencontré certaines de ces femmes à Rabat, totalement brisées psychiquement", relève le réalisateur.

Le parcours de Hope, Nigériane prise sous son aile par un Camerounais, permet en outre d'aborder le cloisonnement extrême des communautés, au-delà de la fracture entre anglophones et francophones.
"Sur le chemin de l'aventure, chaque nationalité a son mode de vie. Si tu vas du côté des Nigérians mais que tu ne connais pas leurs codes, tu peux avoir de gros problèmes", fait valoir à l'AFP Didier Njikam, un dynamique trentaine camerounais qui y interprète le rôle d'un faussaire.
'Tapis rouge'

Rencontrée dans son quartier populaire de Casablanca, l'actrice principale, Endurance, souligne la justesse du scénario.

"J'ai vécu certaines des expériences de Hope", dit pudiquement la jeune femme de 24 ans, mariée et mère d'un petit garçon. Ce film "est important car je ne pense pas que les gens savent vraiment ce qu'on endure tout au long d'un tel voyage", estime-t-elle.

A 100 km de là, sur le front de mer de Rabat, Justin Wang confirme: "Justin et Léonard, c'est la même chose. Je m'y suis tout de suite retrouvé".

Enthousiaste, le jeune homme à l'allure sportive assure que le film a "radicalement" changé sa vie.

Après un aller-retour au Cameroun pour revoir sa mère, il a pu obtenir un visa pour participer à la présentation du film, le mois dernier, au festival de Marrakech. "Le tapis rouge, c'est magique!", s'exclame-t-il.
Lauréate d'un prix --parmi les neufs décrochés jusque-là par le film dans divers festivals--, Endurance est pourtant plus timorée.

"Au sein de la communauté, on m'appelle +l'actrice+, sourit-elle. Mais je prie pour une vie meilleure que celle que j'ai au Maroc."

Sans travail, la jeune femme est toujours dans l'attente d'une régularisation, malgré le programme engagé l'an dernier par les autorités.

22 janv. 2015,Guillaume KLEIN

Source : AFP

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