dimanche 24 novembre 2024 08:31

"Hope" : dans les pas des migrants d'Afrique

Venue du Nigeria, elle traverse le désert, marche vers Tamanrasset, vers l’Europe. Comme des milliers d’autres. Au nombre desquels ce groupe de Camerounais dont Léonard fait partie.

Léonard qui repère la jeune femme sous ses vêtements d’homme et la désigne à ses compagnons. Sans tarder, elle est violée, et abandonnée. Seul Léonard peut la protéger, il se sent vaguement coupable, il ne se résigne pas à la chasser. Voilà, leurs destins sont liés désormais, pour le pire probablement, car le meilleur pour eux n’existe pas.

La jeune femme se prénomme Hope, elle donne son nom au film, qui ne laisse guère de place à l’espoir. Les migrants qui ont tant marché aperçoivent les côtes de l’Espagne, de l’Europe. Seule une barrière les sépare, qu’ils doivent franchir. Elle culmine à sept mètres du sol. Sept mètres à escalader, sans jamais regarder vers le haut, surtout. D’autres choisiront de passer par la mer, c’est tout aussi risqué, mais avant cela il faut survivre.

Les Nigérians règnent sur un business, les Congolais sur un autre. Hope est jeune et jolie. Léonard l’épouse, sinon elle ne serait pas autorisée à rester avec eux, et, sans attendre, la loue au plus offrant. La voici prostituée, monnaie d’échange pour un faux passeport, un peu de nourriture, une protection.

Des fantômes rendus à leur humanité

Boris Lojkine vient du documentaire, ses interprètes, la belle Endurance Newton et Justin Wang en tête, sont tous des migrants, qui incarnent à l’écran ceux qu’ils sont dans la vie. C’était là une des conditions nécessaires à la réussite de cette entreprise à haut risque, qui elle-même exigeait de la part de ses promoteurs une part d’inconscience : des migrants qui meurent en mer ou dans le désert, il est question surtout quand un grand nombre périt, et puis très vite on passe à autre chose, personne n’a envie d’entendre parler d’eux.

"Hope" les donne à voir, montre la violence qui règne entre eux. La plupart du temps, ils sont pris dans une nuit épaisse, que le cinéma éclaire assez pour qu’à l’écran on les distingue. Ce sont des ombres, des fantômes que le film rend à leur humanité.

Le corps de Hope est le seul bien dont dispose Léonard. Lorsque la jeune femme se découvre enceinte, l’enfant qu’elle porte devient monnaie d’échange, son passeport pour l’­Europe. Pourtant, il est question d’amour. D’un amour qui ne dit jamais son nom et à aucun moment ne ressemble à ce que communément le mot désigne. C’est en cela également que "Hope" est un film beau et fort.

Pascal Mérigeau

Hope, par Boris Lojkine. Drame français, avec Endurance Newton, Justin Wang (1h31).

28-01-2015, Pascal Merigeau

Source : nouvelobs.com

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