11 personnes blessées et 1.250 arrêtées à Nador dont des femmes et des enfants
«Un pas en avant, deux pas en arrière». Telle est, semble-t-il, la stratégie du Maroc en matière de migration. Ainsi, et à quelques heures de l’annonce du bilan officiel de l’opération exceptionnelle de régularisation, les autorités marocaines ont procédé à une vaste opération de ratissage et d’arrestation de migrants irréguliers installés dans la forêt de Gourougou à Nador. Près de 1.250 personnes dont 11 blessées ont été arrêtées et transférées vers le Sud du Royaume.
« L’opération a été lancée vers 4h00 du matin sous la supervision directe du gouverneur de la province de Nador qui s’est fait accompagner de différentes forces de l’ordre (Forces auxiliaires, gendarmes et groupes d’interventions mobiles) venues d’autres villes. Ces éléments des forces de l’ordre ont incendié les tentes de fortune dressées par les migrants et ont détruit leurs affaires. Certains témoignages nous ont confirmé que ces mêmes forces de l’ordre n’ont pas hésité à user de la force et de la violence. D’ailleurs, 11 blessés ont été transportés à l’Hôpital El Hassani où ils seront arrêtés quelques heures plus tard», nous a déclaré Naji Omar, de l’AMDH-Nador. Des propos confirmés par Adil Akid, un autre responsable local de l’AMDH dans la même ville, qui nous a indiqué que cette rafle a duré jusqu’à 18H00 et s’est soldée par l’arrestation de 1.250 personnes dont deux femmes ainsi que 33 adolescents et trois enfants. «Tout ce monde a été rassemblé dans un centre d’estivage à la commune Kariat Arekmane, située à 25 km de la ville de Nador avant d’être transféré vers le Sud du Maroc. 24 bus ont été mobilisés pour cette opération. Nos sources nous ont confirmé que les autocars ont pris la direction de Taliouine, Errachidia, Youssoufia et Guelmim». «Les femmes et les enfants ont été épargnés et sont restés sur place après l’intervention des membres de l’AMDH qui ont rappelé aux responsables que le refoulement des femmes, des enfants et des blessés était interdit par la loi et les conventions internationales », nous a révélé Naji Omar.
Pour ce dernier, l’intervention des forces de l’ordre était musclée et attentatoire aux droits de l’Homme les plus élémentaires. « Le fait de retenir des femmes et des enfants dans un commissariat pendant des heures, de refouler les blessés, de tabasser des gens et de les priver de leurs biens constitue une grave violation des droits de l’Homme », nous a-t-il précisé.
Qu’en sera-t-il du sort des refoulés ? Personne ne le sait puisque les autorités marocaines préfèrent garder le silence concernant ce sujet. Pourtant, pour certains acteurs associatifs, l’inquiétude est de mise. Ils redoutent un remake du scénario de 2005 où plusieurs migrants irréguliers ont été refoulés après des rafles identiques à celles de ce mardi. «Plusieurs informations concordantes indiquent que les personnes arrêtées seront conduites vers la base militaire de Guelmim avant un éventuel refoulement vers leurs pays d’origine. Des doutes qui ont été confirmés par la convocation des ambassadeurs du Sénégal, de Côte d’Ivoire et du Cameroun par les autorités marocaines», nous a indiqué Hicham Rachdi, secrétaire général du Gadem. Ceci d’autant plus que les autorités marocaines ont procédé à l’identification des personnes arrêtées et à la prise de leurs empreintes digitales, nous ont confirmé des sources de l’AMDH- Nador. Le mauvais pressentiment de Driss El Yazami, président du CNDH, est-il en train de devenir réalité, lui qui avait déclaré que la fin de l’opération de régularisation pourrait être annonciatrice d’opérations d’expulsion ?
12 Février 2015, Hassan Bentaleb
Source : Libération